samedi 31 août 2019

Regards

Elle m'avait dit qu'elle comprenait. Qu'elle me comprenait.  

J'avais dû faire un choix. C’était mon choix. Parce que la vie nous offre la possibilité d'en faire. J'avais fait le mien.  

Elle m’avait regardé longuement quand j'étais parti. J'avais senti son regard sur mon dos. Les yeux embués fixant le soleil couchant, des larmes lumineuses s'enfonçant dans la terre sombre. Je quittais mon repère pour rejoindre un lieu que je ne connaissais pas.  

J'ai fait le tour de la terre, m'arrêtant dans des endroits aussi noirs que mon âme. Le temps a creusé des sillons sur ma peau et marqué ses limites comme les frontières des pays. Mon cœur s’est durci et la plaie béante s'est muée en une pierre aussi dure que le granit. Des torrents de solitude ont recouvert mes épaules d'un manteau blanc. J'ai gravi des montagnes, atteignant des sommets décharnés aussi déserts que les cimetières abandonnés. J'ai franchi des obstacles et défié des animaux sanguinaires. Et un jour, je suis revenu à mon point de départ.  

Elle était là, attendant mon retour. Elle a posé les yeux sur moi, me fixant avec toute l’intensité dont elle était capable. Cette fois-ci, je n'ai pas baissé le regard.  

J’étais devenu un homme. Je suis devenu son homme.  

Poussière d'étoiles

Dans la fournaise de l’aurore j'ai aperçu ses yeux améthyste. Ils brillaient d'un éclat de lune, brisant les poussières d’étoiles en suspension. Mon cœur s'est mis à battre plus vite. Prisonnier depuis des années dans ce cercueil intemporel je gravite autour d'elle dans un souffle immobile. Regardant par delà la lueur du soleil j’ai senti ma peau se teinter d'un voile liquide. Je m'étouffais dans mon silence et la lisière de l’horizon de la terre se troubla lentement. Je sombrais dans des effluves enivrantes. J'appréhendais sa réaction. Me revoir ici, après toutes ces années à me chercher.  

J'avais fui mon passé, glissant silencieusement dans les méandres opaques de mon futur. L’amer souvenir du parfum de ses lèvres me rongeait, m'empêchant de voir plus loin que la brume de son souvenir. J'avais peur de la revoir, une étincelle illuminant le brasier de sa poitrine douce. Dans cet espace sans fin, libre de toutes sensations j’avançais lentement, à l'abri de ses reproches. J'avais caressé l’espoir de ne jamais revenir sur terre. De me perdre ici et là, entre les planètes colorées de mes sentiments futiles.  

Et maintenant, la voilà qui venait vers moi, les yeux plein de larmes et les bras grand ouverts. Pendant un instant j’ai pensé refermer la porte sur son amour et déserter cette navette. Mais l'espace a beau être immense je ne pourrai fuir encore. Elle avait parcouru tout ce chemin vers les étoiles pour nous. Pour être ensemble, une dernière fois.  

Quand les étoiles pleurent leurs larmes s'embrasent et la chaleur qui en découle est transformée en vœux.  

Dans la fournaise de l'espace, elle a rejoint mon cœur et ma bouche s'est unie à la sienne pour l’éternité.