samedi 24 juillet 2021

Le Voyageur du Temps, Le Coeur

 Quand je suis venu au monde, il était déjà là. En poussant mon cri, si j’étais en vie, c'était grâce à lui. Plus tard, j’ai pensé que jouer avec lui renforcerait notre lien mais c’était tout le contraire. Je ne pouvais respirer sans le solliciter. Il lui fallait de l’air en permanence pour ne pas étouffer et s’en donner à cœur joie. 

Malgré ces débordements, il me faisait tourner la tête. J’en eus souvent le souffle coupé. J'avais décidé de le tester en le faisant travailler plus que nécessaire. Je me mis à fumer, à arrêter le sport et à tomber amoureux. Le cocktail fût détonnant. Je ne savais plus où donner de la tête. Mes sens étaient en ébullition. Mais, paradoxalement, j'en tirai certains plaisirs non négligeables. La cigarette me faisait tourner la tête et l'amour me la fit perdre. Entre les deux il balançait, incapable de se décider sur la marche à suivre. Ce fût l’explosion des sens et la magie de l’instant.  

À la fac, je m'enlisais dans des soirées interminables à refaire lee monde et tester différentes façons du plaisir au contact éphémère de filles. Elles avaient chacune une expérience nouvelle à m’apporter. Et puis, je finis par trouver celle qui me fit chavirer.  

J'ai cru me noyer dans ses yeux, m'asphyxier à l'ivresse de sa peau mais sa langue me ramenait toujours à la surface de ses lèvres douces et humides. Nous nous sommes mariés, avons eu des enfants. Et quelques années passées, lorsque je pus souffler, il me rappela à l'ordre. Il sembla fatigué, bien plus que moi. Il finit par s’arrêter pendant de longues minutes mais on finit par le ramener à moi.  

Il battit par à - coups mais bien plus lentement et sembla plus que jamais proche d'en finir avec la vie.  

Depuis ce jour, je reste assis, à regarder pendant des heures les minutes s’écouler. 

J'ai peur de perdre le seul ami que je n’ai jamais eu de toute ma vie, mon cœur….  


dimanche 4 juillet 2021

SleepWalker, Le Somnambule

 Je m'endors doucement, sombrant dans les limbes opaques et dénaturés de mon esprit. J'entends la douce musique aérienne du marchand de sable au loin. Mais cette fois-ci je n'ai pas envie de le laisser m’emporter. Empruntant un passage je m’enfonce dans les chemins escarpés de mes rêves. Je glisse sans un bruit sous le tapis du vent, distillant son souffle à celui de mes pas. J'aborde un champ de lavande, humant les senteurs avec ardeur. 


M'écroulant parmi les herbes sauvages je savoure le prix d’être réveillé. Puis, je m'évade en surfant sur la vague de légèreté. Je m'envole, aspiré par le ciel et consume une mèche folle sur l'autel du soleil.  


En chute libre, je vois la mer se rapprocher avant de noyer mes cris dans ses bras. Me laissant embarquer par un dauphin, je gagne la plage brûlante d’une île sans nom.  

M'allongeant sur le sable blanc, j’ai fermé les yeux, l’espace d'un instant. Le temps de me retrouver en apesanteur, flottant dans l’espace imaginaire de mon cerveau. Je dérive à la recherche de sensations extravagantes. J’erre entre çà et là, parmi la réalité de mon intemporalité.  


J’explore la carte de mes désirs, naviguant sur la barque de mes délires, poussé par un souffle dégrisé et envoûtant. Je suis mon instinct à la trace, happant les perles de joie, aspirant les effluves d’insouciance et m’affale, repu, dans un délice au miel polaire. 

 

Fourbu et émerveillé par l’extase de mes aventures, la sonnerie de mon réveil m’a ramené dans le monde du réel. Une voix au loin m’a demandé si je comptais passer toutes mes nuits sans lui. 

 

Chut, je ne suis pas encore réveillé…   

mardi 13 avril 2021

Café noir

Ce matin - , il avait dit à sa femme qu'il irait boire un pot avec les copains du boulot. Qu'il ne rentrerait pas tard. Elle l’avait écouté d’une oreille distraite, sachant très bien qu'il serait déchiré. Qu'il ferait pourtant son possible pour ne pas la réveiller mais évidemment, il laisserait tomber son smartphone juste avant de se coucher en soufflant comme un asthmatique. Il se collerait à elle lui arguant qu’avec un baiser à trois grammes elle se rendormirait certainement plus vite. Il lui soufflerait son haleine chargée en whisky directement dans le cou, la forçant ainsi à respirer les relents vaporeux du contenu de son estomac. Alors qu'il s'endormirait en un souffle fétide il lui faudrait plus de temps pour faire le vide avec les ronflements plus sourds qu’un train de marchandises. Finalement, elle irait dormir dans le canapé du salon en ne manquant pas de se cogner le petit orteil contre la table basse.  

Ce matin, elle n'a pas eu à lui souhaiter une bonne journée parce qu'il était déjà parti quand elle s’est réveillée. Profitant du soleil et des oiseaux pour sa journée de repos, elle s’est dit que ça faisait du bien d'être au calme en buvant son café sur la terrasse.  

En écoutant la radio, elle est tombée sur les infos habituelles. Et soudain, son cœur s'est arrêté avec un flash spécial.  


Un braquage de banque a mal tourné et un flic a pris une balle. Il s’appelait….  

 

Le temps s’est suspendu et en jetant une rose sur le cercueil dans le trou elle a repensé à cette nuit - là. Parce que maintenant sa main sur son épaule lui manque. Son souffle dans ses cheveux aussi. Tout lui manque. Et surtout il lui manque.  


Si elle avait fait un geste vers lui, ne fût-ce qu'un baiser sur son front. Parce qu'en 24h une vie bascule. Et une autre  est dévastée.  


Parce qu’on pense toujours que la vie est immortelle. Oui, elle l’est, mais pas ceux qui la composent.  


En levant les yeux vers le ciel, regardant le soleil briller, elle se dit que son café n'aura plus le même goût pendant une éternité….  

vendredi 4 décembre 2020

SkyWalker, Le Funambule

J’habite la maison de mes rêves. Quand je me lève, je sors sur la terrasse, juste à temps pour voir un voile clair flotter devant le soleil. Une tasse de café bien chaud et fumant entre les mains, laissant les senteurs torréfiées emplir mes narines de cette douce amertume. L’air, encore tiède, réchauffe mes pupilles endolories. Dans peu de temps, quand la brume se sera dissipée, je verrai mon ami briller de toute sa splendeur.  

Après m’être habillé je sors marcher sur les fils de ma vie. Armé de ma grande perche, je passe d'un point à un autre, presqu'en apesanteur. Je déambule les yeux fixés sur l’horizon, les cheveux au vent. Je n’ai pas de but précis si ce n’est de parcourir le monde, accroché à mes rêves, la tête dans les nuages.  


J’aime penser que les gens lèvent de temps en temps les yeux vers le ciel et me voient faire des arabesques légères. Effilochant leurs certitudes, dessinant des courbes poudrées, scintillantes de douceurs bombées. Imaginer des pluies de morceaux d’étoiles tomber sur leurs envies passagères. J'accroche le temps d'une seconde le fil de ma vie à leurs désirs, faisant suspendre mes pas à leurs instants magiques.  


J’aime à penser que je modifie le cours des choses. Faisant sortir de son lit une idée nouvelle. La laissant s’écouler d’une rivière vers un océan turquoise. J’aime naviguer, libre, avec ma barque, façonner les chemins de mes destinations. Dériver, un parasol à la main, bercer par les flots. Entendre le calme murmurer sa musique d’albâtre. Et faire comme le goéland, flotter au gré du vent


Poussé par l’envie d’être libre…   

lundi 23 novembre 2020

De gouttes en cascade, la chute de l'eau

Dans ces désirs les plus profonds je me suis vu, errant, à la recherche de mon trésor. Le temps avait façonné l'espace et m’avait fait prisonnier de mon passé.  

Mes yeux ne voyaient rien, ouverts sur une noirceur habitant mes pensées les plus sombres. J’avais perdu le goût, celui de sentir les choses, de ressentir l'amère froideur des pierres glacées de la cellule.  


Je sentais encore mon cœur battre, faiblement mais en rythme. Ce son telle une goutte me rappelait le supplice des maîtres de la torture chinoise. Il ne me rendait pas fou, au contraire, il me faisait me sentir en vie. J'aurais voulu les entendre encore et encore. Si seulement…  


Dans un souffle, j'ai sombré dans une eau moins amère. Son scintillement glissait dans tout mon être, immergeant mes zones intérieures, repoussant l'air tiède. J’aspirais à ne pas dériver, ballotté par une crue aussi rapide qu'éphémère. Je m'enfonçais dans les limbes de mon cerveau dématérialiséDépossédé de ces sens, je ne voyais plus les limites de ce lit, débordant de trous et de pièges.  


Après la cascade, la chute fut salutaire mais ne me laissa pas indemne. Pris dans les flots tumultueux de mes envies, au gré de son insolence, la descente fût douloureuse. Le banc de sable m’accueillit à moitié mort. Le soleil s'engouffra dans mes yeux vides mais ouverts. Ses rayons ravivèrent ma peau moite et mes cellules endolories.  


J’entrevoyais une lueur nouvelle dans le plafond noir de cette cage froide et étouffante. Je me sentais comme un animal pris au piège de son instinct. Manger ou être mangé. Dévorer ou être dévoré.  


Dans la peau d'un tigre…