mardi 13 novembre 2018

Brumes

Dans les brumes de son parfum je me suis enfoncé plus loin que l’horizon. Mes doigts se sont agrippés à des effluves escarpés et j'ai dérivé amer et frissonnant. Mes yeux ont perdu pied et j'ai glissé comme une ombre sur un mur brisé. Depuis les abîmes de son corps j'ai affronté des vagues de douceur et des tempêtes de caresses. Plongé dans l'ivresse de sa bouche je reprenais goût à l'envie de l'entendre me susurrer des gentillesses.


J'ai compris plus tard que son cri serait le dernier de son amour. J’entendais son cœur battre et ses mains me serrer les bras. Une onde sauvage m’a emporté me laissant détruit et gisant dans les flammes étoilées. Le froid s'est abattu sur nous, laissant des perles salées tacher nos ardeurs encore chaudes. Les senteurs fruitées parsèment les rondeurs ardentes et brisées de notre entente nouvelle.

Je sors dans la nuit, humer l’air serein et calme. Son visage se cache dans mon regard grisé. Parmi toutes ces étoiles, celle de Zeta me rappelle qui je suis. Comme elle j’ai un double, un miroir, une goutte d'eau.


Dans ma tête c’est le chaos. Et dans le ciel une explosion de couleurs teinte mon visage. Une image s'imprime sur ma rétine. Je revois ma planète. Des nuages effilochés tombent dans un océan de poussières filantes. Depuis mon observatoire je devine des nébuleuses géantes grimaçant d’incertitude et gravissant sans cesse autour de ma personne.


Aujourd'hui je suis ici demain je serai là bas.


Entre les deux un monde, à l’intérieur elle.


Mon double me regarde de l'autre côté du miroir.


Et si cet espace de verre venait à se briser, serais-je moi aussi prisonnier du temps ?


Incapable de décider lequel de nous sera celui qui mènera la danse. Celui qui s'envolera rejoindre les étoiles et fera le tour de l'univers, perdu dans les méandres du temps. Nageant avec les comètes et flottant pris entre des poussières et des météorites. Devenant à son tour un point dans la nuit.

J'émerge de mon sommeil, je suis seul, vidé et assoiffé. Une main se pose sur mon épaule et m’entraîne à la recherche du temps perdu. Je me noie de nouveau et repars faire un tour du coté de chez moi.

samedi 10 novembre 2018

Dérive

Allongée sur le toit de sa maison, les mains derrière la tête Julie ferma les yeux. Alors que dans le ciel des déchirures rouges et orangées apparaissaient, faisant croire que le soleil pleurait des larmes de sang. Entourée de chants d'oiseaux, elle baissa sa garde et s'enfonça profondément dans une bulle de rêve.


Son esprit avisé l'amena sans détours vers une page blanche au premier abord. Mais si on s’approche d'un peu plus près on aperçoit des falaises érodées et sculptées par la mer depuis des années. Leurs contours ciselés sont caressés et façonnés par une dame aussi âgée que la terre. Ses vagues, déchirantes et suicidaires viennent mourir au pied des rochers, les noyant sous une affection débordante de baisers mouillés et glissants.


Julie porta son regard sur les hauts murs entourant et isolant ainsi la cité imaginaire. Elle se promena dans les ruelles et les sentiers sinueux, laissant derrière des morceaux de sa vie éparpillés, volant sous le vent frais. Ses longs cheveux blonds flottaient et ses pieds fins touchaient à peine le sol de sable.

Soudain, elle l’aperçut, cet endroit si fascinant, que l'on appelait le Samarcande. Tous les chemins mènent au centre. Elle découvrit qu'il y en avait douze comme les signes du zodiaque. Elle se souvint vaguement de son ami le sagittaire, cet être unique, partagé entre l’envie et le rêve. Il y avait d’ailleurs son signe gravé sur un des hauts murs desservant la place circulaire, parsemée d'arbres et de fontaines. Quelques îlots de couleur tranchant sur le blanc et l'ocre principaux.


Elle était venue pour se reposer mais elle sentit que son cœur lui faisait si mal qu'elle crut qu'il allait exploser, déchirant sa poitrine douce et sensible. Perdue dans ses pensées elle poussa un long cri de détresse qui mourut doucement brisé sur les murs lisses et pales. Julie sentit quelque chose tendre le tissu dans son dos et compresser ses seins. Une vague aiguë de douleur la fit pleurer brutalement. Surprise elle s'empressa d'ôter son vêtement et tenta de regarder par-dessus ses épaules. Elle vit que deux protubérances blanches, douces et molles sortaient lentement de son dos.


Qui était-elle en train de devenir ?


La peur s'empara et elle resta, figée sur ses pieds, à regarder tout autour. Peut-être qu'elle n’était pas seule. Peut-être qu’elle ne l'avait jamais été. Elle était angoissée à l’idée de découvrir ce qui l’avait fait revenir sur les lieux de son enfance. Torturée de n'avoir jamais envisagé que son destin soit aussi différent de ses envies.


Prendre son envol, parcourir les horizons à la recherche des lieux les plus inavouables et des eaux les plus pures. Sentir la froideur des vents polaires glacer ses lèvres douces. Succomber aux chaleurs les plus torrides dans les déserts les plus sauvages et inhabités.


Et, quand, tu te réveilleras, je m'en irai sur la pointe des pieds, silencieux. Telle une ombre se glissant dans le reflet de ton âme. Je grandirai en secret, me lovant dans l'antre de ton cœur en broyant tes idées noires. Je danse sous le vent de ton corps, embrassant les zones claires et abîmant d'une douceur persistante les relents opprimés de ton côté noir. Je déchire tes envies malsaines et caresse tes mains mielleuses de senteurs inachevées.


Tu erres, défiant de ce regard azuré, les intrus déchus de ton royaume décoré de bulles et de plumes. Tu les rassures de ne plus les revoir ici et là, mordant les craintes d'une dent implacable.


Le sagittaire se fond dans ce décor perdu, isolé des habitudes et griffé d'une amertume légèrement parfumée au safran. Tant qu’il n'aura pas décoché sa flèche, il sera là, parcourant les airs d’une bienveillance dorée.


Croisera -t-il un jour le chemin de Julie ?



À suivre…

mardi 30 octobre 2018

Explore

Elle me regarde, de cet air intriguant et tellement adorable. Sa bouche me sourit mais ses mains tremblent. Sa poitrine se soulève et danse sous ses vêtements. J'ai envie de la prendre et de la caresser.

J'ai peur, j'ai froid, je voudrais me réveiller. Je le suis déjà.

Son front, collé à cette vitre, semble vouloir passer à travers. Ses longs cheveux se promènent tels des acrobates du ciel. Des larmes coulent sur ses joues rosiers par l’émotion.

La bouche cendreuse je la regarde s’éloigner vers un lointain horizon. Des poussières de souvenirs s’accrochent à mon esprit vide. Des lambeaux de rêve s’effilochent en griffant mes envies de caresses. Je dérive, perdu, isolé dans une mer glaciale, froide de silences déchirés. Des larmes de souffrance s'abattent sans un cri sur l'agonie de mon cerveau embrumé. Je me noie, je suffoque, j’aspire mais aucun son ne sort de ma gorge dépouillée d'amour. Je reste là, hébété, à fixer ce train qui s'en va.

J'ai peur soudain, de marcher dans cette nuit noire, avide de monstres sans corps. L’éclairage de néons blafards éclaire mes pas les plus sombres. J’avance pris au piège dans cet antre nébuleux à courir après les ravages du temps.

L’océan de candeur a fait naufrage sur mon corps et délavé les odeurs sablonneuses des parfums de sa bouche. Elle a nettoyé les traces volcaniques que la grisaille avait peinte sur mon visage. Ses mains ont lissé les plaintes des coquillages de mes cheveux noirs comme le souffle des enfers.

J’ai attendu que le soleil se lève pour gravir les marches qui m'amèneraient dans un refuge libre de sens. Je m’enfonce sans m'en rendre compte dans un désert affectif vide de l’essentiel. Son odeur manque à ma certitude de n’être plus qu'un morceau d’éclat brisé par les lettres de son absence. Je dérive progressivement vers une rivière assoiffée de peurs infinies. Mon cœur se serre et ma langue se prive du bruit de ses mots.

Je ne ressens que tristesse et douleur. Dans cette tempête émotionnelle je vole pris dans un tourbillon de déchirures mentales qui m'entraînent vers une funèbre destination.


Le train est parti depuis longtemps mais moi je suis toujours là, à compter le temps qui nous sépare de nos retrouvailles.


Le temps qui me sépare de toi.

dimanche 28 octobre 2018

Ailes & Lui

Dans ses yeux, une part sombre brûlait en silence. Elle ne laissait rien paraître si ce n’est une douceur et une tendresse tellement fortes qu'on la croyait sincère. Pourtant, ce désir de chatouiller la part sensible présente en chacun de nous faisait fondre les barrières les plus solides. Pris au piège, je m’enfonçais paisiblement sans m'en rendre compte, dans une illusion digne des plus grands numéros de prestidigitation. J’avançais les yeux fermés vers une forme pure et dangereuse du mal. Mon cœur était serein et mon esprit léger. À aucun moment je ne vus la fin de mon monde.

Ses yeux violets, remplis de bienveillance me regardaient d'un air lointain et plein de gentillesse. Ses mains douces caressaient ma peau crispée par le temps qui avait fait son œuvre et l’amertume a délavé les morsures des années. Sa bouche rouge, laissait place quelques instants à des dents blanches et pointues. Son sourire n’était pas carnassier mais plutôt protecteur. J'ai souvent eu envie d'y plonger ma langue. J'apercevais sa poitrine soulevée par une respiration lente et calme. Son cou laissait entrevoir un battement profond et sensuel de sa carotide.

Quand je m’abandonnais dans ses bras souples je sentais étrangement une main se glisser dans mon corps et serrer mon cœur. Je voulais crier mais une présence dans ma bouche étouffait mon cri et mon sang semblait se refroidir.

Un jour, je sentis des canines atteindre ma gorge et s'enfoncer progressivement dans ma chair. Une force implacable envahissait mon esprit et embrasa mes sens en faisant couler le peu d'envie qu’il me restait. Je sentais sa présence dévorer ma volonté et la passion de m'accrocher à son flanc se précisait au fur et à mesure que je sombrais lentement dans un rêve sans lumière.

Je me noyais, perdu entre deux eaux, isolé dans un océan d'ouate. Le ciel faisait pleuvoir des plumes blanches tombées des nuages en lambeaux, déchirés par une tempête de larmes. Elles dessinaient dans l'air des arabesques pointues comme des milliers d’aiguilles visant le sol abîmé par les ailes agonisantes des anges meurtris. Mes yeux regardaient sans voir ces vestiges d'une vie passée à lutter contre un être dénué de bonté. J'eus de la peine pour le serviteur que j'aperçu, les cheveux au vent, flottant dans ma direction. Je ne reconnus pas le monstre qui me tenait à sa merci. Juste ses yeux rouges teintés d'un éclat améthyste me rappelaient vaguement quelqu'un.

Quand il s’empara de ma bouche dans un ultime baiser je vis la femme murée à l’intérieur de cette enveloppe vide de son contenu. Elle voulut me dire un mot mais son ravisseur bloqua ses paroles en buvant mon désespoir. Dans un éclair de lucidité j'empoignai sa nuque en serrant mes doigts sur cette vie qui s’échappait de mes veines. Ma main gauche réussit à se frayer un chemin dans sa gorge et attrapa le peu d’humanité qui subsistait encore, à savoir cette femme prisonnière de ses qualités. J'écartai la bouche de cette chose en me servant de mes mains et entendis craquer cette mâchoire féroce. Quand je tirai sa langue hors de son palais elle emporta dans son sillage toutes les humeurs malveillantes qui sommeillaient dans les bas-fonds des enfers.

Elle m'apparut aussi nue et fragile qu’une sirène échouée sur une plage déserte. Derrière elle, le soleil jaune faisait briller de ses larmes dorées le ciel noir et les nuages s'effilochaient en cascade de pluie. Recouvrant l'air infecté d’une pureté odorante de senteurs florales et dégoulinantes de rayons invisibles.

Avec un dernier regard et nos mains serrées nous nous sommes laissé aller dans un sommeil dévastateur. J’ai repris conscience, dans mon lit, des seins doux écrasant ma poitrine sur laquelle une marque en forme d'ailes semblait s'y être déposée. En baissant mon regard il plongea dans ces yeux si clairs et si infinis que je me laissai dériver, une fois de plus. Mais cette fois, avec un sentiment de force brutale. Je perçus un changement dans ses caresses manuelles. Elles étaient plus lisses et désireuses de m’emmener dans un endroit isolé, dans lequel nous serions à l'abri de nos envies.

Perdus dans une bulle, libres de nos pensées les plus sauvages. Nous laissions faire, le temps d'une étreinte charnelle, nos instincts dévorants et nous évader dans la liberté impitoyable d'une nature grandissante. Je sentais des envies monstrueuses de faire mal mais lové dans son regard mon cœur était prisonnier de ma victime. Je lui appartenais tant qu'elle me maintenait en vie. Si je lui échappais, elle disparaîtrait avec mon humanité et mon ascension dévorante de dominer les étoiles.

Elle est si belle, sa peau dorée parsème de morceaux de lumière les recoins sombres de mon âme. Je défais les lacets de mon esprit le reliant au maître qui m'a coincé dans cette prison décadente. Une dualité entraîne mon corps dans un combat entre les ailes de l'enfer et la blancheur noircie du ciel entrouvert sur une faille de la nébuleuse du cygne. Une entaille qui pénètre mes chairs d’une déchirure mordante et agressive. Je sens mon dos se modifier et mes os faire place à de nouveaux vestiges. J’avais peur de ne plus lui appartenir, de me sentir différent. Mais ce fût le contraire, cela nous a rapproché.

Nous avons gravi des sentiers hors du charnier natal et pris notre envol du haut des abîmes des arbres centenaires. Notre nouvelle vie commence et nous guide vers un étrange horizon d’étoiles. Je sais maintenant que mon destin n’est plus de me laisser mourir mais de vivre, emporté par une soif de découvrir une cime plus éphémère que les ruines de nos vestiges désenchantés. J’appréhende avec une certaine candeur les pensées les plus sombres qui me torturent en faisant douter ma deuxième aile.

Son regard brillant me transperce toujours avec autant de fougue que les premiers rayons du soleil. Elle dessine sur mon cœur des lettres incandescentes qui resteront emprisonnées dans les limbes de mon âme. J'aspire à ne pas oublier que je lui dois cette vie. Et qu’elle me doit la sienne.


D’eux égalent un.


Nous sommes uniques.


Nous sommes L et Lui…


Ailes

Kaléidoscope

J’erre dans les serpentins festifs des désirs de mon âme. L'odeur charnelle des senteurs boisées ouvrent des effluves fleuris à mon esprit perdu dans des rivières à l’écume enchantée. Les parfums enivrants des corps entrelacés parsèment les chemins tortueux des limbes de mon cerveau endormi. Je traîne entre différents espaces qui ensablent de leurs traces indélébiles tels des nuages grimaçants de légèreté les veines de mon cœur fatigué.

Des vagues déconcertantes de caresses luisantes d’écume font frissonner mon corps délavé par le soleil couchant. L’écume aux lèvres je regarde d’un œil vide le lent travail de la mer sur les côtés abruptes de ces falaises sculptées dans l'infinie indifférence du temps. Le vent se fait sourd et entraîne dans ses sillons des déferlantes d'amertume qui viennent mourir sur le sable froid et impassible.

Je songe à m'enfoncer dans cette eau glaciale pour découvrir ce monde enfoui et connu des Atlantes. Une main me retient, des lèvres dépose un baiser sur ma joue, un souffle s’infiltre dans ma gorge sèche. Mon regard est perdu et fixe inlassablement une lune bleue tandis que des doigts m’attrapent par le bras. Je glisse le long de ce vide inopiné et tombe sans efforts dans un désert affectif. Cet espoir de finir détruit par une nuit, absorbé par les étoiles de ma solitude ravive une douleur fertile, écrasée entre une douceur et sécheresse aseptisée.

Je rêve d'y voir plus clair, grimaçant entre l'effort de me réveiller et celui de me perdre dans une tendresse dévorante de résister à l'enfer de rester immobile. Je me noie dans mes paroles et suffoque à l’idée de rester libre de ne pas être. J’hésite de paraître et de n’être qu’un morceau de viande, accroché à son crochet, pendant dans le vide blanc et implacable d'une chambre froide. Je cligne des yeux sous la froideur blanche et crue de cet éclairage glauque et glacial.

Les couleurs de ma vie me reviennent en mémoire. Elles sont aussi chaudes que le soleil, calmes et impétueuses que la mer, douces et libres que le vent. Éphémères et ouvertes que les fleurs. Noires et profondes que l'enfer.

Je vis sans buts mais je suis libre d’être ce que je veux. Je reste ici, prisonnier de mon corps mais ailleurs, sur cette île perdue dans l’horizon, à l'endroit où le soleil couchant s'enfonce dans la mer qui le reçoit toutes les nuits.



Et, ce, depuis que la terre est devenue elle-même

mercredi 12 septembre 2018

Voile

J'ai grandi avec la certitude de n’être qu’une poussière dans ce monde si lisse et transparent. Je pensais ne pas être différent des autres, glissant sous le vent de la liberté enchantée. Je regardais le ciel et n'y voyais que des éclats de bleu surfant sur la vague de l’insouciance. J'adorais avoir des reflets dorés dans les yeux. Sentir une chaleur légère envahir mes sens et dévorer du regard les courbes enlacées des bâtiments délavés.

La paresse des nuages encourageait mon inaction à rester immobile. Je voulais encore forcer mes yeux à dépeindre la brume enveloppant la détresse de mon âme. Je suffoquais à l’idée de ne plus voir la tendresse grimaçante des gouttes perler à la lisière de mon cœur. Je rêvais de partir sans amertume ni douleur. Mais jamais je n'aurais pensé décider de rester ici, muré dans mes incertitudes, emprisonné dans une musique qui n’était pas la mienne.

Je me retrouve isolé dans une bulle, oppressante et givrée, aux sons crissant sous la lame de verre. J’avance, les mains tendues vers des endroits sombres et transpirant d’humeurs déchirantes. Mon esprit erre, affamé de senteurs odorantes et de rires fleuris. Les allées entachées de pas furtifs embaument mes oreilles de bourdonnements sereins.

Je me noie dans les cris de douleur des déferlantes, dévastées et surprises de ne plus me voir. Je m'enfonce dans les abysses éteintes et parsemées de larmes vides et creuses de désillusion. J'agrippe sans forces un morceau d'envie caressé par le tendre désir de rester hors d’atteinte. J’embrase mes sens d'une douce folie, une cruelle routine, pressée de trancher une part de tristesse.

Mon corps se replie sur lui-même et mes doigts dansent épris d'une caresse subtile faite d'amour mordu et déchiré. Ma peau se creuse et se tend, faisant grincer mes dents. J’observe les alentours, déchiffrant les codes millénaires d'une société détrempée par des années d’évolution.

Je me lève, remets mes lunettes et quitte à regret ce banc ensoleillé par les sourires des passants…

Un jour, je m'en irai par la grande porte. Celle de mon âme débarrassée de sa clé de verre.


Enfin libre

Noire

Elle me protège des maux anachroniques, faisant craquer les endroits trop fragiles. Elle vit de ma souffrance et se repaît de mes sommeils verglaçants qui me laissent parfois de glace. Elle creuse sans répit des sillons amères ressemblant à des entailles. Elle arrache sans cesse des morceaux de moi les laissant s’éparpiller et voleter dans une atmosphère lourde. Je sais que je ne peux vivre sans elle et pourtant je ne peux me résigner à la laisser faire de moi l’objet de ses délices.

Je la porte parfois comme un fardeau incapable de danser telle une poussière d’étoile. Le vent m’entraîne dans des lieux qui ne chantent que lorsque la pierre pleure. Elle pèse de tout son poids sur ma personne et me coupe le souffle chaque fois que je veux l'aider à avancer plus loin que l’horizon de mes yeux. Jamais le soleil ne m'a autant brûlé mais j'ai supporté la douleur parce que je devais me montrer aussi fort que le sable centenaire. J’ai senti mes pieds se couper et perdre ce précieux liquide, celui qui teinte la mort de son sourire.

Je suis las d’être dans ce cercueil de verre entourant mes idées savoureuses et délicieuses. Je vois que le temps ne me laisse pas mener mon destin tel que je le voudrais. Il dessine sur moi le naufrage de ma vie et je ne peux que respirer en souvenir de ces vertes années. Mes os craquent et me rappellent que je suis toujours là. Immobile, humant l’air fissuré, inquiet de n’être plus qu'un souffle à bout. Je sens ma bouche vide chercher une goutte d’amertume et se remplir d'odeurs poisseuses. Une larme coule, traçant sans le vouloir une longue plainte de désirs enchantés. Elle glisse ivre et caressante les creux imparfaits de cette amie si longtemps bafouée.


Tu es belle, et certainement pas aussi parfaite mais je compte sur toi autant que toi sur moi.



Merci ma peau

dimanche 9 septembre 2018

Morsure

J'ai senti une douleur lancinante battre mon cou. Une envie sourde de tout lâcher et de me réfugier dans un espace clos, ouvert sur les émotions. J'avais envie de crisper mes doigts fins sur une fêlure profonde de mon âme. De danser sur un air déchirant d'espoirs déchus. De glisser sur une musique, glaçant les esprits entraînants vers un abîme de sécheresse laconique.

Une plainte silencieuse est née dans ma gorge nouée par l’angoisse vérité d’être seule. Mes yeux ouverts ne voyaient que le reflet de ma peine brutale et lourde. Le noir faisait place au blanc et la lumière enflammait ma cornée fragile. Un cri solitaire s'emparait de mon corps transpirant l’amer abandon de disparaître.

La pierre froide et humide me rappelait mes moindres démons enfantins. La peur s'insinuait lentement entre deux erreurs du passé. Et remontant les méandres tortueux de mon immobilité elle gravit les sables mouvants de son cruel destin. La lame froide et désincarnée s’immisce entre les effluves de mon corps flasque et tiède. L’empreinte de son odeur imprègne ma chair fragile et désarmée.

Lorsque je reviens du monde endormi, c’est un dégoût profond de la nature qui fait remonter toutes les saveurs sauvages de mon ventre meurtri. J'ai mal sans trouver quel nom porte cette douleur. Mon imaginaire a repris le dessus et je me sens plus faible que jamais. Sale et détruite, vivante mais morte, souillée et dévastée.

J’ai des marques et des griffures imprimées sur ma peau pourtant si douce. Mes seins portent les stigmates d'un avenir incertain et d'une route plus sombre. Je voudrais ôter ces taches invisibles et faire disparaître ces meurtrissures qui m'ont blessée à vie.

J'ai encore le goût putride de leurs mots indélicats en bouche. Leurs rires et autres cris transpercent mon cœur d'une infâme sécheresse démunie. Leurs langues gluantes et fétides ont barbouillé mes zones tendres et accueillantes d'un mépris sournois déshumanisé.

J’entendrai toujours leurs voix si impudiques et ces souffles si inconscients de désirs inassouvis. J'ai peur de vivre, ici ou ailleurs. De me retrouver face à ces monstres d’égoïsme si sûrs de leur pouvoir du nombre supérieur à une. Je suis déchirée, dévastée et inconsolable d’une sélection non naturelle.

Cette morsure a tailladé mon être et fait de moi la victime d'un sentiment bestial, décrié mais toujours actif. Je me sens faible et ravagée par une horde de charognards prêts à se jeter sur leur morceau de bidoche avariée et infestée de larves grimaçantes.

Cette cicatrice mord mon épiderme et suinte d'une douleur tenace et récurrente. Je voudrais cesser de penser mais si je m’arrête je meurs, immobile dans cette poussière lumineuse et caressante. Cette tendresse apparente me transporte vers des lieux où des bottes ne sont pas légion. Je m’effondre, perdue entre deux atmosphères, isolée mais entourée, seule mais encerclée.

Vivre, survivre et revivre…

Sans, pendant et après un viol…