jeudi 6 septembre 2018

Elles

En me réveillant ce matin, je sentis une douleur lancinante au niveau des omoplates. En passant mes doigts un léger suintement les recouvrit. Je n'avais pas vraiment mal. C’était très gênant et pour recouvrir ces deux sortes d'entailles je dus me contorsionner en maugréant abominablement.
Je ne savais pas comment ces griffures avaient pu apparaître aussi subitement. Je me souvenais seulement avoir rêvé de m’être senti libre et flottant, entre deux couches de nuages. En inspectant mes draps je ne trouvai rien qui puisse me mettre sur une piste.

Au cours de la journée, j'avais l’impression que quelque chose écartelait mes muscles et ma peau abîmée. Je sentais mon sang couler le long de ma colonne et s'agglutiner en formant une croûte bien épaisse et sombre. Je me sentais vide et fiévreux même si, à l’intérieur de mes côtes, mon cœur battait comme un coureur de cent mètres.

Le lendemain, deux protubérances de chair et d'os ont fait leur apparition. J’avais de plus en plus mal mais mon corps se modifiait à mon insu. Je ne pouvais qu'assister à ce changement soudain, impuissant. Je commençais à sombrer dans un délire angoissant et suffoquant. Je dérivais, sans but, immobile à travers les tiraillements désordonnés de mon corps. Une vague de souffle brûlant s'abattit sur mon front moite et en total déchéance. Je perdais pied, grisé par une déferlante, écrasé par le poids de l'amère désillusion de n’être qu'un cri perdu au bord du précipice.

Quand je revins à moi, la nature avait achevé son œuvre. Je ne me reconnus pas. J’étais enfin à l’image de ce que j’avais rêvé sans oser me l’avouer.

Contrairement à Icare, je ne risquais pas de me brûler. Je pourrai m'approcher au plus près du soleil et sentir sa chaleur envahir mon être de sa douce musique dorée.

Avec elles je me sentis pousser une décharge d’adrénaline qui me ferait voler jusqu'au firmament des cimes inhabitées. Et rivaliser avec les monstres de métal et peut-être même Superman s'il existe…
Je me sens pousser des ailes…

Qui suis-je ?

mardi 4 septembre 2018

D'or

J’aime le regarder, sentir sa chaleur envahir mon corps. Savoir qu’il illumine mon être de sa lumière m'inonde d'une douceur enivrante. Chaque fois que je le perds des yeux, ma peau se rétracte et mes sens s'affolent. Je ne peux vivre sans lui.

Un matin gris et sombre, je me suis retrouvé sans forces et prêt à me laisser m’enfoncer dans la fange la plus noire. Mon cœur s’impatientait en faisant des bonds désordonnés dans ma poitrine. Mes yeux fatigués de rester ouverts le cherchaient avec frénésie. Je me sentais déprimé et sans goût. Une odeur de cendres asséchait ma bouche pourtant si volatile.

J’avais faim de reprendre des forces et de le voir à mes côtés. J'ai décidé de prendre de la hauteur et d’aller jusqu’à lui. J'ai obligé mon cerveau à voyager et à voir par delà les nuages. Laisser libre court à mon imagination me faisait grignoter des éclats de temps. Quelques secondes semblables à des effilochés de légèreté gravissant des montagnes d’horizon. Accroché aux ailes de poussière des minutes de plumes s'enfonçaient pleines de bulles d'air. Quand les heures parurent si longues les éclats de morsures marquaient ma peau fragile. Je dérivais saigné à blanc par une danse effrénée d'attaques poinçonnant mes paumes de rouge. Mon voyage touchait à sa fin et la soif de liberté m'avait conduit dans des méandres désordonnés de mon esprit inanimé.

La mort m'a rattrapé de justesse entre deux délires virtuels. J'ai dérivé, flottant, entre deux adresses. Perdu dans ma sphère, j’attendais avec impatience, la percée brutale et apaisante de mon ami.

Enfin, tu es là, pour m’accompagner dans mon dernier royaume. Ma dernière chambre qui sera ma prison dorée, brillera de tes mille feux. Sans entraves je pourrai assister à ton dernier bûcher. Ma demeure est la tienne. Fais d'elle ce que tu veux.

Fais éclater ta joie une dernière fois, mon ami…

Le soleil….

jeudi 30 août 2018

Papillon

C’est quand je suis tombé que j'ai eu mal. Si fort que ma bouche n’arrivait à ne sortir aucuns sons. La douleur sourde entravait mes membres et l’angoisse étreignait ma peau grimaçante. J’avançais dans un noir plus profond que la nuit la plus froide. L'air glacé s'échappait de mes poumons tristes et abattus.

Je découvrais que jamais je ne pourrais oublier ce sourire, morceaux de vie, entrelaçant les vestiges d'une rencontre délicate et délicieuse. J'avais construit des remparts de cristal entre le monde et cet avenir lumineux. Des caresses de désir nous faisaient voyager de dunes en montagnes. Tels des papillons exotiques nous dansions enivrés par des effluves miroitants de légèreté.

Aveuglés par cette tendresse soudaine nous avancions à pas de géant vers l'inconnu infini. Et dans le doute inhabité nous déplacions des espaces scintillants de poussière étoilée.

Cette sagesse tardive m'a sauvagement agrippé au point d'étendre son emprise sur nos jeunes corps insouciants. Sentant le mal apparaître comme une épine dans le pied j'ai fermé les yeux pour le faire disparaître. Mais il était déjà trop tard.

Le ciel s'est assombri et les cris sont apparus. Lancinants et grinçants j'ai entendu une vague maligne glisser sur mon oreille. Une tempête orageuse a ravagé nos ailes et coupé nos envies, nous éloignant de notre dessein premier.

Les vagues hurlaient et chevauchaient des lames brisantes et frénétiques. Je ne reconnaissais plus ma terre d’exploration. La purée de pois nous faisait dévier de notre imaginaire commun.

Ce jour-là j’ai su que j'aurais peur de la solitude.

Perdu dans ma tête je nourrissais l'espoir de nous retrouver ensemble. Mais il faut croire que le temps avait d’autres projets pour nous. J'ai espéré qu'elle ne partirait pas sans moi.

Et je me suis relevé, seul, muré dans un imaginaire qui n’était pas le nôtre. J’attends avec impatience de la revoir.

La folie, ça maintient en vie même si je ne le suis plus… perdu dans mes cauchemars et ma détresse je rêve que je ne suis plus vivant et pourtant je ne perds pas espoir de la retrouver.

Ma vie d'avant….

Blanche nuit

Je me suis retrouvé prisonnier de sa passion lorsque qu'elle n’était plus là. Je me repassais sans cesse ces morceaux effilochés faisant résonner ma bulle de verre. Leurs sons provoquaient des éclats de lumière sourds. J'entrevoyais les instants de répit comme une torture grinçante ravivant une douleur enfouie. Je sombrais petit à petit dans l’insolence dénaturée. Ma tête bourdonnait et mes mains tremblaient. Coincé entre deux gouffres mes sens dérivaient à l'agonie.

Je cherchais mes mots, haletant, sentant l’amertume citronnée me piquer les yeux. J’étais effondré, suffoquant, ébahi par tant de solitude enivrante.

L’odeur de sa peau n’était plus qu'un reflet envahissant de la douceur ampoulée de ses mains délicates. Son souffle sensuel me faisait trembler par son absence subtile.

J’étais prisonnier de sa tendresse manichéenne. Sa bouche futile embrasait l’atmosphère caressante et rosée. Pris d'une subite délivrance elle enroula sa langue autour de mon cœur et aspira la liqueur ombrée.

Ses dents croquèrent la lumière du soleil et ma peau se recroquevilla sur mes os. Le dessin de sa marque féline me marqua désespérément et l'air me manqua. Je m'enfonçais dans les limbes poissonneux de ses sentiments voraces.

Le noir entraîna mon naufrage amoureux et me laissa sans vie sur une plage ruisselante. Le ressac chatouillait mes espoirs d’entendre la musique léchée du vent capricieux.

Je me suis réveillé, à bout de souffle, après une opération à cœur ouvert. Je buvais les paroles et dévorait les silences inquiets. La lumière crue mais enthousiaste m'embrassait de son aura poignante. J'avais faim de la revoir et d’entendre ses seins me murmurer les senteurs printanières.

Elle est venue et me regarde de ses yeux vides mais présents. Elle n'a pas besoin de me voir pour me montrer son amour.

Elle est là et je la vois telle qu’elle est…

samedi 25 août 2018

Déchirures

Elle s’appelait Anaïs. Dans ses yeux, on pouvait lire de la colère et parfois de la mélancolie. Elle avait décidé de couper ses cheveux trop longs. Je dois avouer que cela lui donnait un petit air de princesse des temps modernes.


J’aimais beaucoup la faire sourire et parfois rire. J'aimais discuter par messages de tout et de rien. Elle était toujours prête. Sa bonne humeur me rendait joyeux. Elle avait à cœur de m’aider quand je n'allais pas bien.


Elle va me manquer. Elle me manque déjà. Elle me manque tout court.


Elle danse dans ma tête, tel un cerf-volant dans un ciel bleu. Elle jouait avec le vent et criait comme les mouettes. Ses yeux me rappelaient que je ne pourrais vivre sans elle. Tout me rappelait à ses éclats de rire. Sans attaches, libre comme l'air. J’aurais voulu l’emmener par-delà les montagnes, lui montrer la terre verte et les arbres écorchés. La vie en dehors de la capitale lui aurait certainement plue. Je m'amusais à regarder les veines de ses mains sillonner ses bras comme les lézardes sur les murs. Son bronzage léger faisait ressortir ses lèvres douces et pulpeuses. Elle aimait beaucoup se prendre en photo. Et faire partager son œuvre. Je pensais qu'un jour je la percerais à cœur ouvert mais le temps ne m'a pas laissé la certitude de le faire.


Tu me manques Anaïs. Chaque jour un peu plus.


Elle se rapproche des étoiles en tournant autour de mon dessein. Ses yeux pleins de gentillesse me perturbe dans mon objectif d'atteindre le centre de cette singularité. Tu es mon trou noir, tu seras ma perte et ma victoire. Si je pouvais graviter autour de mon soleil sans me brûler au point d’être un aveugle, les yeux ouverts mais le cerveau embrumé par la déchéance. J'ai peur d’avancer et de ne plus dormir sans ne plus te toucher dans mes délires mordants. Je ne sens plus le train de ma vie rouler sans à-coups et le rail m’éloigne de ma gare natale. Que ferais-tu Anaïs ?


J'aimais lui raconter des histoires, lui dire que la vérité ne se cherchait pas ailleurs mais dans ses yeux. Lui montrer que l'on peut être heureux sans être millionnaire mais pas sans amis. Sa vie était faite de petits riens et de grands rires. J’aurais aimé lui dire qu'elle me plaisait telle qu’elle était. Je n'en ai pas eu le temps. Par contre, j'ai pu la voir encore. Je la vois toujours.


Tu me manques Anaïs.


Jamais je n’oublierai le son de ton rire. Si chaud, si envoûtant… Tellement en adéquation avec la personne que tu étais. Que tu es. Tu me manques tellement. J'en ai presque les larmes aux yeux. J’aurais tant voulu te découvrir, déshabiller ton âme et abaisser les remparts que tu as construits quand t'es retrouvée aussi nue qu’une enfant née. Dégriffer les amertumes de silence et désargenter les couleurs de tes joues où perlaient de temps à autre des diamants bruts. Si la pudeur est un naufrage la tendresse est ton île de beauté. Tu me laisses dériver, le cœur en lambeaux, déchiré par les vagues de solitude qui me mènent inexorablement vers l'infini tapis de douceur dont sera recouvert mon cercueil. J’aurais voulu t'emporter loin de ces mirages boréales.


Tu me manques Anaïs.


Jamais je n’aurais imaginé que tu ne serais plus là. Je pensais que tu pouvais résister à tout, que tu étais la force tranquille, sans limites. Et pourtant, quand on regardait tes yeux on pouvait y voir un manque d’éclat. Un reflet lointain de la fragilité dessiner une ombre presque irréelle. J’adorais t’embrasser dans le cou, glisser mon souffle sur ta peau. Sentir tes mèches pointues chatouiller mon visage. Entendre ton cœur battre plus rapidement et tes mains jouer avec mes cheveux.


Si ce moment avait pu durer l’éternité.


Tu me manques Anaïs.


J’écoute Saez en boucle et je fume trop. J’aime te revoir dans mes pensées éphémères. L'air trouble me rappelle à tes paroles douces et sensuelles. Ta voix si fragile m'enivre au point de me réveiller dans mes rêves. Je me perds dans les méandres de tes caresses sauvages. Tu dors dans les limbes de tes courbes charnelles, immobile aux sons délicats de mon imagination. J’aimerais pouvoir te ramener mais tu échappes à mes intentions solitaires.


Tu me manques Anaïs.


Je me rappelle son souffle léger et calme lorsqu'elle dormait, la tête perdue dans les abîmes noirs de ses sommeils. J’ai cru apercevoir à la commissure de ses yeux des perles salées, sans doute une tristesse enfouie et réanimée semblables aux embruns qui fracassent les bateaux trop faibles pour leurs résister. En glissant ma main sur son sein je sentais sa peau satinée se tendre sous l’effet du frisson. Ce que je voulais c’était atteindre son cœur et l'entendre dormir lui aussi.

J’aimais la regarder. Quelque fois elle s'en apercevait et d’autres non. Quand j'ai froid, je me rappelle sa voix douce. Elle me sert d’oreiller et je m'endors auprès d’elle. Tu inondes de tes mots mon esprit recroquevillé dans la froideur amoureuse. Ton vocabulaire lumineux exerce une attraction solaire sur la couleur délavée qui me laisse usé et terne. J’ai peur de ne pas pouvoir être sans toi. Je
ne peux rester immobile à te rappeler sans cesse de me redonner le sourire et l'envie de ne plus te voir.


Tu me manques Anaïs.


Je suis ici et là-bas. J’attends que tu m'appelles. Dis-moi quand je pourrai te voir avec tes yeux. Dis-moi ce que je peux faire pour être et ne plus être sans toi. J’ai peur d’avancer, de rester, de ne plus être. Je ne peux pas ne plus te voir. Tu n'es plus mais tu restes en moi. Ton image est imprimée sur ma rétine et l’humeur qui en découle ne me remplit pas d’espoir. Je sens que le noir s’installe et que le blanc disparaît doucement. Je sombre, au plus profond de mon ennui, vers l’infinie sagesse de non-retour. Ne te moques pas. J'ai peur de vivre. Sans toi. Anaïs.

Mes doigts s'engourdissent et mes bras se transforment en ouate. Mon souffle ralentit et ma gorge s'assèche. Mes paupières se ferment mais mes yeux s'ouvrent. Je te vois. Enfin. Tu es là. Me souriant. Enfin.

J’attendais ce moment depuis si longtemps. Cette plage est magnifique. Le ciel bleu sans nuages et le soleil brûlant…


Tu me manquais Anaïs.


Bon, tu viens ou tu passes la nuit ici ?
Me hurle ma femme…
Dépêche-toi, on va louper le début du film…
Pff, plus moyen d’être tranquille nulle part. Même dans ses rêves.


Mais qui es-tu Anaïs ?

Apesanteur

J’ai vu dans ses yeux que je n’étais pas le premier. Par contre j’ai senti sur ses lèvres que je serais le dernier.

Sa langue endiablée dansait autour de la mienne telle une hirondelle chante le printemps. Sa peau douce sentait la lavande et le pin. Je sentais ses seins fermes écraser ma poitrine haletante.

Plus le temps passait plus je sombrais dans un rêve aérien. Les reflets du soleil dans ses cheveux ressemblaient à des éclats d'or laissant s’éparpiller des poussières d'ange. Le flottement du ciel engourdi faisait grimacer les nuages lourds et mécontents. L'air se sentait plume et l’ombre du vent portait mon cœur jusqu'en haut des abîmes théâtrales. Le voile du rivage offrait une vue jusqu’à l’horizon de lueurs glaciaires.

Je l'ai entendue frissonner et s’étendre dans l'averse chaloupée et emporter nos frêles esquifs sentimentaux. J'ai attendu qu'elle soit au milieu de l’océan affectif pour embarquer vers une amertume plus contenue. Nous nous sommes agrippé à un morceau d'amour qui nous entraîna vers une chute tumultueuse et jonchée de débris. Des instants de détresse, de doutes, d'inconnus nous encerclaient mais poussé par l’envie d'avancer nous les avons balayé d'une larme passive.

L'exode animal nous caressait de son regard serein et bienveillant. Notre lutte a fondu et le ressac larmoyant a défait nos corps enlacés. Nous avons vaincu les chemins tortueux et fugaces de notre désir d’être ensemble.

Pour toujours, je suis lié à celle qui m'offre une vue imprenable sur l'eau de son cœur. Le temps de notre liaison influe sur le comportement chatoyant de notre regard sur la rondeur de la terre…

Laisse ma barque avancer au gré du vent soufflant. Écoute son sein danser comme une baleine dans son élément. Respire le parfum de ses lèvres exquises rouge cerise. Décide de la trajectoire à suivre pour croiser les larmes du soleil et gravir les marches de la vie…

Aurore

J’aimais te regarder dormir. Un souffle de vent caresser tes cheveux. Entendre ton cœur battre encore et encore. Voir ta poitrine se soulever et faire danser tes vêtements.

Tu m'as dit un jour de ne pas avoir peur. De grandir sans me soucier du destin des autres mais plus du mien. Gravir sans m’arrêter les marches de la vie. Regarder de temps à autre les arbres fleurir et se faner. Rire des belles choses et ne pas regretter de ne pas avoir eu mais jamais de ne pas avoir été. Avoir su montrer mes larmes et ne pas les retenir malgré la douleur.

J’entendais tes paroles si vraies me dire ce que je ne voulais pas voir. J’attendais que le soir tombe et j’allais me promener sur les plages de notre départ. Celles qui nous avaient vus naître ensemble. Celles qui ont fait de nous ce que nous sommes. Celles qui ont assisté à ce que nous étions et ne serons plus. Ensemble.

J'ai longtemps parcouru les chemins imaginaires qui me menaient à de sombres horizons et de lumières crues. Vides de cet essentiel qui nous maintenaient vivants. Aujourd'hui je ne suis qu'un point parmi tant d’autres dans cet univers triste et morbide. Je suis en vie mais mort à l’intérieur. J'erre sans buts, dans les méandres froids et sans âmes de mon imagination. Je suis sans idées une route épurée de goûts. Sans envie ni raison je me traîne dans l'espoir de trouver l’étincelle qui me ramènera vers des eaux plus sauvages. Je n’ai plus faim d'espaces ni de soleil mais bien de solitude acharnée pour rester à tes côtés.

La mer, lisse et soyeuse, se montre compréhensive à mon égard. Elle se fait vague et fourmille de caresses embrumées. Le soleil se fond dans son antre et me regarde me liquéfier tandis que je me noie dans les hurlements du vent. J'ai du mal à respirer et mes yeux s'imbibent de cette odeur charnelle si docile. Je marche à contre-courant comme si je pouvais retenir le temps entre mes doigts. Mais au lieu de s’accrocher il file et le sable pleure de ne pas être de pierre.

J'ai cru pouvoir te rejoindre mais tu étais le mirage qui me trainait dans le désert de mon amour propre. Jamais je n’aurais pensé que tu ne serais plus avant moi. Avant nous.

Après moi, il n'y aura que poussière et amertume. Illusions et infantiles dégoûts. Désillusions et mortelle escapade. Sagesse et cruelle sentinelle. Envie et amour perdu.

Je te regarde dormir et je ne peux m’empêcher de me demander quand nous serons ensemble. Un jour, l’espace d'un instant, ou une nuit l’espace d’une courte vie.

Je te regardais dormir et je me voyais sombrer lentement dans ce tapis doux qui me rappelait l'herbe sauvage des forêts animales. Cette senteur si particulière que j’ai pu croiser alors que je t'attendais en silence.

La nature m'annonçait ton arrivée proche et pourtant encore lointaine. J’aurais aimé grandir plus vite mais le temps ne se pressait pas. Tandis que le mien l’était. Un jour tu serais là.


Mais quand ?


Et tu m'es apparue, alors que je nageais entre deux eaux, le courant m'a fait palpiter plus loin que les abysses sentimentaux n'auraient joué avec les thermes souterrains. Un choc frontal nous a fait perdre le sens de la rosée matinale. J'ai vu sur tes joues une fleur de perle glisser le long des parois lisses et vierges d'émotions brutes. Tu as ouvert tes lèvres et j'ai glissé mon regard dans les entrailles de ta bouche humide. Tu m'as dit d'une voix douce que j'étais là et que tu me cherchais. Je t'ai répondu que je savais et que je t'attendais.


Maintenant c'est toi qui m'attends. Depuis que tu dors, je n'ai cessé de repenser à notre histoire qui ne se terminera jamais. Parce qu'un jour nous serons ensemble, encore et toujours.


 À bientôt...





Balafre

Tu es là, depuis toujours ou presque, à mes côtés. Je te sens, pénétrante et insidieuse, faire rougir ma peau. J'aimerais que tu me laisses décider parfois du sort qui m'est jeté. Pourtant tu ne cesses d'entraver mes efforts et de recourir sournoisement à une fin moins tragique. Ton emprise sur mes doutes marque son empreinte d'une lutte acharnée et vorace. Tu ne me laisses pas d’autres choix que de faire couler le sang. Il se glisse dans les recoins sombres et obscurs de mes sentiments les plus noirs. J'ai hâte de guérir et de m'atteler à une tâche plus lumineuse. Je suis marqué à vie par tes desseins qui me rappellent le temps où je te sentais au plus près de mon cœur. Tu me faisais crier jusqu’à m'en perdre les ongles de douleur. Te sentir m'envahir et repousser mes chairs faibles et agonisantes me donnait envie de ne plus respirer. Mais te savoir avec moi dans les plus petits combats me réjouissait d’avoir quelque chose à partager. Regarder cette lame s’offrir mon visage en me trouant la peau avec autant de facilité m'a redonné espoir. Je survis à mon cauchemar et me remets doucement. Je pourrai à nouveau me montrer sous un nouveau jour. Tu fais à présent partie de moi. De cet être grandissant laissant derrière lui une partie de son enfance. Violée et volée par une arme tranchante et affûtée aux caresses capricieuses et tenaces.


Désormais tu resteras à jamais gravée en moi, ma cicatrice.