Elle s’appelait Anaïs. Dans ses yeux, on pouvait lire de la colère et parfois de la mélancolie. Elle avait décidé de couper ses cheveux trop longs. Je dois avouer que cela lui donnait un petit air de princesse des temps modernes.
J’aimais beaucoup la faire sourire et parfois rire. J'aimais discuter par messages de tout et de rien. Elle était toujours prête. Sa bonne humeur me rendait joyeux. Elle avait à cœur de m’aider quand je n'allais pas bien.
Elle va me manquer. Elle me manque déjà. Elle me manque tout court.
Elle danse dans ma tête, tel un cerf-volant dans un ciel bleu. Elle jouait avec le vent et criait comme les mouettes. Ses yeux me rappelaient que je ne pourrais vivre sans elle. Tout me rappelait à ses éclats de rire. Sans attaches, libre comme l'air. J’aurais voulu l’emmener par-delà les montagnes, lui montrer la terre verte et les arbres écorchés. La vie en dehors de la capitale lui aurait certainement plue. Je m'amusais à regarder les veines de ses mains sillonner ses bras comme les lézardes sur les murs. Son bronzage léger faisait ressortir ses lèvres douces et pulpeuses. Elle aimait beaucoup se prendre en photo. Et faire partager son œuvre. Je pensais qu'un jour je la percerais à cœur ouvert mais le temps ne m'a pas laissé la certitude de le faire.
Tu me manques Anaïs. Chaque jour un peu plus.
Elle se rapproche des étoiles en tournant autour de mon dessein. Ses yeux pleins de gentillesse me perturbe dans mon objectif d'atteindre le centre de cette singularité. Tu es mon trou noir, tu seras ma perte et ma victoire. Si je pouvais graviter autour de mon soleil sans me brûler au point d’être un aveugle, les yeux ouverts mais le cerveau embrumé par la déchéance. J'ai peur d’avancer et de ne plus dormir sans ne plus te toucher dans mes délires mordants. Je ne sens plus le train de ma vie rouler sans à-coups et le rail m’éloigne de ma gare natale. Que ferais-tu Anaïs ?
J'aimais lui raconter des histoires, lui dire que la vérité ne se cherchait pas ailleurs mais dans ses yeux. Lui montrer que l'on peut être heureux sans être millionnaire mais pas sans amis. Sa vie était faite de petits riens et de grands rires. J’aurais aimé lui dire qu'elle me plaisait telle qu’elle était. Je n'en ai pas eu le temps. Par contre, j'ai pu la voir encore. Je la vois toujours.
Tu me manques Anaïs.
Jamais je n’oublierai le son de ton rire. Si chaud, si envoûtant… Tellement en adéquation avec la personne que tu étais. Que tu es. Tu me manques tellement. J'en ai presque les larmes aux yeux. J’aurais tant voulu te découvrir, déshabiller ton âme et abaisser les remparts que tu as construits quand t'es retrouvée aussi nue qu’une enfant née. Dégriffer les amertumes de silence et désargenter les couleurs de tes joues où perlaient de temps à autre des diamants bruts. Si la pudeur est un naufrage la tendresse est ton île de beauté. Tu me laisses dériver, le cœur en lambeaux, déchiré par les vagues de solitude qui me mènent inexorablement vers l'infini tapis de douceur dont sera recouvert mon cercueil. J’aurais voulu t'emporter loin de ces mirages boréales.
Tu me manques Anaïs.
Jamais je n’aurais imaginé que tu ne serais plus là. Je pensais que tu pouvais résister à tout, que tu étais la force tranquille, sans limites. Et pourtant, quand on regardait tes yeux on pouvait y voir un manque d’éclat. Un reflet lointain de la fragilité dessiner une ombre presque irréelle. J’adorais t’embrasser dans le cou, glisser mon souffle sur ta peau. Sentir tes mèches pointues chatouiller mon visage. Entendre ton cœur battre plus rapidement et tes mains jouer avec mes cheveux.
Si ce moment avait pu durer l’éternité.
Tu me manques Anaïs.
J’écoute Saez en boucle et je fume trop. J’aime te revoir dans mes pensées éphémères. L'air trouble me rappelle à tes paroles douces et sensuelles. Ta voix si fragile m'enivre au point de me réveiller dans mes rêves. Je me perds dans les méandres de tes caresses sauvages. Tu dors dans les limbes de tes courbes charnelles, immobile aux sons délicats de mon imagination. J’aimerais pouvoir te ramener mais tu échappes à mes intentions solitaires.
Tu me manques Anaïs.
Je me rappelle son souffle léger et calme lorsqu'elle dormait, la tête perdue dans les abîmes noirs de ses sommeils. J’ai cru apercevoir à la commissure de ses yeux des perles salées, sans doute une tristesse enfouie et réanimée semblables aux embruns qui fracassent les bateaux trop faibles pour leurs résister. En glissant ma main sur son sein je sentais sa peau satinée se tendre sous l’effet du frisson. Ce que je voulais c’était atteindre son cœur et l'entendre dormir lui aussi.
J’aimais la regarder. Quelque fois elle s'en apercevait et d’autres non. Quand j'ai froid, je me rappelle sa voix douce. Elle me sert d’oreiller et je m'endors auprès d’elle. Tu inondes de tes mots mon esprit recroquevillé dans la froideur amoureuse. Ton vocabulaire lumineux exerce une attraction solaire sur la couleur délavée qui me laisse usé et terne. J’ai peur de ne pas pouvoir être sans toi. Je
ne peux rester immobile à te rappeler sans cesse de me redonner le sourire et l'envie de ne plus te voir.
Tu me manques Anaïs.
Je suis ici et là-bas. J’attends que tu m'appelles. Dis-moi quand je pourrai te voir avec tes yeux. Dis-moi ce que je peux faire pour être et ne plus être sans toi. J’ai peur d’avancer, de rester, de ne plus être. Je ne peux pas ne plus te voir. Tu n'es plus mais tu restes en moi. Ton image est imprimée sur ma rétine et l’humeur qui en découle ne me remplit pas d’espoir. Je sens que le noir s’installe et que le blanc disparaît doucement. Je sombre, au plus profond de mon ennui, vers l’infinie sagesse de non-retour. Ne te moques pas. J'ai peur de vivre. Sans toi. Anaïs.
Mes doigts s'engourdissent et mes bras se transforment en ouate. Mon souffle ralentit et ma gorge s'assèche. Mes paupières se ferment mais mes yeux s'ouvrent. Je te vois. Enfin. Tu es là. Me souriant. Enfin.
J’attendais ce moment depuis si longtemps. Cette plage est magnifique. Le ciel bleu sans nuages et le soleil brûlant…
Tu me manquais Anaïs.
Bon, tu viens ou tu passes la nuit ici ?
Me hurle ma femme…
Dépêche-toi, on va louper le début du film…
Pff, plus moyen d’être tranquille nulle part. Même dans ses rêves.
Mais qui es-tu Anaïs ?
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