Au milieu de cette foule elle se sent perdue.
Et même si la chaleur sourde du soleil lui donne des couleurs cela ne comble pas le vide que la mort de sa mère a creusé.
Les yeux fixant l’horizon elle cherche sans succès l’endroit où le ciel se confond avec la mer.
Grandissant du fond de son cœur meurtri un océan de larmes est sur le point de briser le barrage qu'elle s’est construit.
Peut-être qu’ailleurs l’eau est plus limpide, moins opaque que celle qu'elle s’apprête à lâcher.
Elle regarde avec amertume les rires des enfants qui l'entourent.
Certains jours sont gris mais la plupart sont noirs.
Un hélicoptère survole la plage, faisant signe aux baigneurs de ne pas s'avancer trop loin.
Les pieds dans l'eau elle s’enfonce lentement dans un abîme de légèreté teinté de douceur.
Au plus près du sable l'air s’échappe en fines bulles.
Dans la profondeur du rivage elle se perd dans la solitude bleutée.
Son cri de désespoir la fait basculer dans un monde où des effilochés de blancs jouent à cache-cache avec ses souvenirs d'une vie passée.
Son désir de refaire surface se noie dans les sirènes de l’ambulance…
dimanche 26 mai 2019
Syrielle
Seul, assis sur cette balustrade, du haut de ce pont, je regarde le fleuve se jeter dans l’horizon couchant. Les yeux brouillés, je sens que je ne vais pas tarder à faire le grand saut. Le soleil orange pointe ses derniers rayons avant de s’éteindre. Le temps de m’allumer une cigarette.
Aujourd'hui j’ai tout perdu. Depuis l'amour de ma vie à mon amour de la vie. Je me sens seul, terriblement seul.
Je voudrais pousser un cri mais j'ai peur de réveiller en moi les démons qui sommeillent. Je ne veux pas devenir un monstre.
Elle s'appelait Syrielle. Quand je l'ai connue, elle venait de perdre la vue suite à un accident de voiture. Victime collatérale. Ses premiers pas l'ont conduite dans mes bras. Elle avait de si beaux yeux verts hélas incapables de voir. Ce n’était pas mon cas.
Tout s'est enchaîné rapidement. Elle mettait de la lumière colorée dans ma vie terne et je parsemais ses pas de fleurs. Leurs parfums lui faisaient tourner la tête et emplissaient ses sens. Notre histoire ressemblaient à des papillons virevoltant.
Et un soir, elle est morte, happée par le tourbillon de la vie. Une fine lame a tranché sa gorge délicate pour un billet de 50. Cette nuit là c’est moi qui suis tombé. Face contre terre. Le choc de ma vie. Sourd et brutal.
J'ai sombré comme une bouteille à la mer. Emporté par les flots de mes larmes, je dérivais secoué par des torrents de vagues noircies par le manque. L'ivresse des profondeurs m’entraînait toujours plus bas que les abysses. J’aspirais à toucher le fond mais il était sans fin. Creusant de nouveaux sillons si profondément ancrés dans mon cœur que je suffoquais à l’idée d’avancer seul.
Un jour, le soleil est à nouveau entré dans mon appartement. Et j'ai refait surface, nageant péniblement vers le rivage.
La maladie m'a rattrapé sur le chemin de la guérison, me laissant pantelant. Hagard, je regardais les heures défiler comme des minutes.
Maintenant je vis mes dernières secondes. Ici, bientôt ailleurs, je te rejoins pour finir ce que nous avons commencé.
Bâtir un nouveau départ et reprendre une nouvelle inspiration.
L’histoire de ma vie s’achève ici.
La nôtre commence là-bas
Aujourd'hui j’ai tout perdu. Depuis l'amour de ma vie à mon amour de la vie. Je me sens seul, terriblement seul.
Je voudrais pousser un cri mais j'ai peur de réveiller en moi les démons qui sommeillent. Je ne veux pas devenir un monstre.
Elle s'appelait Syrielle. Quand je l'ai connue, elle venait de perdre la vue suite à un accident de voiture. Victime collatérale. Ses premiers pas l'ont conduite dans mes bras. Elle avait de si beaux yeux verts hélas incapables de voir. Ce n’était pas mon cas.
Tout s'est enchaîné rapidement. Elle mettait de la lumière colorée dans ma vie terne et je parsemais ses pas de fleurs. Leurs parfums lui faisaient tourner la tête et emplissaient ses sens. Notre histoire ressemblaient à des papillons virevoltant.
Et un soir, elle est morte, happée par le tourbillon de la vie. Une fine lame a tranché sa gorge délicate pour un billet de 50. Cette nuit là c’est moi qui suis tombé. Face contre terre. Le choc de ma vie. Sourd et brutal.
J'ai sombré comme une bouteille à la mer. Emporté par les flots de mes larmes, je dérivais secoué par des torrents de vagues noircies par le manque. L'ivresse des profondeurs m’entraînait toujours plus bas que les abysses. J’aspirais à toucher le fond mais il était sans fin. Creusant de nouveaux sillons si profondément ancrés dans mon cœur que je suffoquais à l’idée d’avancer seul.
Un jour, le soleil est à nouveau entré dans mon appartement. Et j'ai refait surface, nageant péniblement vers le rivage.
La maladie m'a rattrapé sur le chemin de la guérison, me laissant pantelant. Hagard, je regardais les heures défiler comme des minutes.
Maintenant je vis mes dernières secondes. Ici, bientôt ailleurs, je te rejoins pour finir ce que nous avons commencé.
Bâtir un nouveau départ et reprendre une nouvelle inspiration.
L’histoire de ma vie s’achève ici.
La nôtre commence là-bas
Griffe de mer
Par une nuit étouffante, j’ai pris la mer, seul sur mon bateau. Ivres, nous avons dérivés lentement, secoués par les vagues hurlantes de nous voir encore debout. Et puis, il y a eu un terrible éclair et je l’ai vue. Pas tout de suite, mes yeux ont d’abord dû s’habituer à la lumière aveuglante.
Nageant avec fluidité, elle s'efforçait de rester à la surface. Ses longs cheveux noirs et sa peau blanche contrastaient avec l’eau sombre et étincelante. Soudain, le calme est apparu, glacial et inquiétant. Je ne la voyais plus, je n'entendais que les battements rapides de mon cœur.
Et dans un bond, elle a atterri sur le pont. Elle était là, allongée dans toute sa splendeur éclatante. De grands yeux sombres brillant d'un éclat d’améthyste. Une bouche aux lèvres noires et une queue, immense, couverte d'écailles bleu nuit.
Elle me regardait d'un air de défi. Ses mains composées de quatre doigts terminés par de longs ongles acérés traçaient dans le bois des signes que je ne comprenais pas.
Je me suis rapproché d'elle, n'en menant pas large mais avec cette envie folle de la voir de plus près. Tandis que j’avançais sa queue disparaissait faisant place à deux jambes fines et parsemées de lignes sombres.
Alors que j’étais à quelques pas, elle se leva et se mit à chanter. Une musique douce, entêtante, s’insinua dans mon esprit. Je vis son monde, perdu au fond des abysses, bercé par des couleurs grisantes et éphémères. Et ce fut l’explosion.
Une myriade de sensations s'empara de moi et me laissa vidé, un goût salé en bouche. Quand je la regardai de nouveau, je vis une femme et non un animal. Elle me faisait face, je sentais son souffle chaud sur ma peau frissonnante. Son baiser avait le goût des profondeurs et la senteur d'une fleur sous-marine. Sa langue jouait habilement avec la mienne. J'avais posé mes mains sur ses seins. Ils étaient aussi froids que la pierre des montagnes.
Elle a plongé son regard dans le mien et j'ai senti la colère et l’instinct du chasseur se répandre dans mes veines désarmées. Je me suis libéré de son emprise laissant sa peau reprendre ses droits de guerrière. Elle a viré au sombre et des petites ailes sont apparues sur ses avants bras, ses jambes et dans son dos. Ses dents se sont faites plus féroces et plus longues. Ses yeux plus effilés, plus opaques. Des branchies apparurent sur son cou et ses côtes.
Seule sa queue n’était pas là mais je supposai que l'eau devait y être pour quelque chose.
Elle m'a griffé au visage et sur le coup, je suis tombé assis, portant la main sur ma joue, hébété. Je ne comprenais pas ce brusque revirement.
Je ne me suis pas relevé me contentant de la regarder bêtement. Voyant que je n’étais pas celui qu’elle croyait elle s'est accroupie, et a léché les gouttes de sang qui perlaient de la griffure. J’ai happé cette langue et soudé mes lèvres aux siennes. Résistant à la pression de son corps, la tension entre nous s'est dissipée, entrelaçant notre envie de ne faire qu'un.
Je me suis réveillé, perdu dans un monde qui n'est plus le mien. Inscrit sur le ponton le chemin de celui qui le sera…
Nageant avec fluidité, elle s'efforçait de rester à la surface. Ses longs cheveux noirs et sa peau blanche contrastaient avec l’eau sombre et étincelante. Soudain, le calme est apparu, glacial et inquiétant. Je ne la voyais plus, je n'entendais que les battements rapides de mon cœur.
Et dans un bond, elle a atterri sur le pont. Elle était là, allongée dans toute sa splendeur éclatante. De grands yeux sombres brillant d'un éclat d’améthyste. Une bouche aux lèvres noires et une queue, immense, couverte d'écailles bleu nuit.
Elle me regardait d'un air de défi. Ses mains composées de quatre doigts terminés par de longs ongles acérés traçaient dans le bois des signes que je ne comprenais pas.
Je me suis rapproché d'elle, n'en menant pas large mais avec cette envie folle de la voir de plus près. Tandis que j’avançais sa queue disparaissait faisant place à deux jambes fines et parsemées de lignes sombres.
Alors que j’étais à quelques pas, elle se leva et se mit à chanter. Une musique douce, entêtante, s’insinua dans mon esprit. Je vis son monde, perdu au fond des abysses, bercé par des couleurs grisantes et éphémères. Et ce fut l’explosion.
Une myriade de sensations s'empara de moi et me laissa vidé, un goût salé en bouche. Quand je la regardai de nouveau, je vis une femme et non un animal. Elle me faisait face, je sentais son souffle chaud sur ma peau frissonnante. Son baiser avait le goût des profondeurs et la senteur d'une fleur sous-marine. Sa langue jouait habilement avec la mienne. J'avais posé mes mains sur ses seins. Ils étaient aussi froids que la pierre des montagnes.
Elle a plongé son regard dans le mien et j'ai senti la colère et l’instinct du chasseur se répandre dans mes veines désarmées. Je me suis libéré de son emprise laissant sa peau reprendre ses droits de guerrière. Elle a viré au sombre et des petites ailes sont apparues sur ses avants bras, ses jambes et dans son dos. Ses dents se sont faites plus féroces et plus longues. Ses yeux plus effilés, plus opaques. Des branchies apparurent sur son cou et ses côtes.
Seule sa queue n’était pas là mais je supposai que l'eau devait y être pour quelque chose.
Elle m'a griffé au visage et sur le coup, je suis tombé assis, portant la main sur ma joue, hébété. Je ne comprenais pas ce brusque revirement.
Je ne me suis pas relevé me contentant de la regarder bêtement. Voyant que je n’étais pas celui qu’elle croyait elle s'est accroupie, et a léché les gouttes de sang qui perlaient de la griffure. J’ai happé cette langue et soudé mes lèvres aux siennes. Résistant à la pression de son corps, la tension entre nous s'est dissipée, entrelaçant notre envie de ne faire qu'un.
Je me suis réveillé, perdu dans un monde qui n'est plus le mien. Inscrit sur le ponton le chemin de celui qui le sera…
Ascension
J’ai ouvert les yeux sur ce soleil rouge qui embrasait mes pensées les plus sombres. J'avais envie de plonger à corps perdu dans cet antre écarlate. Mon cœur faisait des bonds et ma bouche s’ouvrait sur un cri qui ne vint jamais. J’étais perdu, isolé entre deux éclats. J’avais faim de découvrir cette nouvelle sensation de douceur et de caresses.
Mes mains essayaient de sentir ce désir de fragrances libres et inodores. J'haletais entre l’amertume et l'espoir de renaître. Des images en éclats de verre s'abattaient sur mes rétines douloureuses de voir le noir partout. Des instants de relâche se pressaient dans les recoins sauvages de mon esprit embrumé. J’avançais à tâtons dans cet océan glacial qui recouvrait d'un silence oppressant mon âme déchirée.
J’ai pu mettre des mots sur les pas qui gravitaient autour de mon espace d'infortune. Mon lit me servait de radeau imaginaire voguant au gré des lames en cascade. J'ai longé les côtes éphémères des falaises blanches délavées par les morsures du temps sans fin. Le déluge s’abattit comme des larmes détrempées égarées par des nuages sans têtes. Des bouquets de fleurs tombés ici et là entouraient de multiples couleurs les relents amers de ma victoire. J’osais à peine lever les bras pour montrer le chemin accompli.
Aujourd'hui ce n'est plus marcher mais rouler qui me fera avancer d'un pas décidé vers une destination qui m’attend à bras ouverts…
Mes mains essayaient de sentir ce désir de fragrances libres et inodores. J'haletais entre l’amertume et l'espoir de renaître. Des images en éclats de verre s'abattaient sur mes rétines douloureuses de voir le noir partout. Des instants de relâche se pressaient dans les recoins sauvages de mon esprit embrumé. J’avançais à tâtons dans cet océan glacial qui recouvrait d'un silence oppressant mon âme déchirée.
J’ai pu mettre des mots sur les pas qui gravitaient autour de mon espace d'infortune. Mon lit me servait de radeau imaginaire voguant au gré des lames en cascade. J'ai longé les côtes éphémères des falaises blanches délavées par les morsures du temps sans fin. Le déluge s’abattit comme des larmes détrempées égarées par des nuages sans têtes. Des bouquets de fleurs tombés ici et là entouraient de multiples couleurs les relents amers de ma victoire. J’osais à peine lever les bras pour montrer le chemin accompli.
Aujourd'hui ce n'est plus marcher mais rouler qui me fera avancer d'un pas décidé vers une destination qui m’attend à bras ouverts…
Bleuté
Elle flotte seule au milieu de l’océan. Dans le ciel irisé des lambeaux de nuages se perdent dans l’ombre de l’horizon couchant.
Ballottée par les vagues, elle semble dormir d'un sommeil sourd. Son visage semble respirer une certaine plénitude.
Les yeux ouverts sur l'espace qui l’entoure elle dérive lentement vers l’inconnu.
Le buste et les bras sont les seules parties de son corps qui ne sont pas immergées. Malgré la fin du jour elle se sent comme un poisson dans l’eau.
Au loin, des gros bateaux se partagent l’étendue de bleu. Son regard reste figé, la mer se reflétant dans ses yeux clairs.
À la recherche de survivants lors d'un naufrage je l'ai aperçue, petit point isolé.
Et lorsque je l'ai attrapée pour la faire monter à bord elle semblait légère.
Hélas, elle ne faisait déjà plus partie de ce monde car elle n’était plus qu'un tronc sans vie.
Ballottée par les vagues, elle semble dormir d'un sommeil sourd. Son visage semble respirer une certaine plénitude.
Les yeux ouverts sur l'espace qui l’entoure elle dérive lentement vers l’inconnu.
Le buste et les bras sont les seules parties de son corps qui ne sont pas immergées. Malgré la fin du jour elle se sent comme un poisson dans l’eau.
Au loin, des gros bateaux se partagent l’étendue de bleu. Son regard reste figé, la mer se reflétant dans ses yeux clairs.
À la recherche de survivants lors d'un naufrage je l'ai aperçue, petit point isolé.
Et lorsque je l'ai attrapée pour la faire monter à bord elle semblait légère.
Hélas, elle ne faisait déjà plus partie de ce monde car elle n’était plus qu'un tronc sans vie.
Babines
Elle est là, tapie dans l'ombre, attendant son heure avec délectation. Elle sait que cela fera mal mais elle ne peut s'empêcher de le faire. Car face à ses démons intérieurs elle se doit de gagner cette bataille. Et si elle doit sortir les griffes elle fera parce qu’elle ne s'en laisse pas le choix. Son cœur bat la chamade mais son esprit reste serein.
Elle ne peut se résoudre à vivre aussi insouciante qu’à l’époque où son âme s'est fourvoyée. Son souffle s’accélère et ses yeux fixent un point à l’horizon. La chaleur sourde du soleil répand une douce lumière enivrant ses sens d'un léger hale. Ses pupilles dilatées entrouvertes lorgnent sans cesse sur ces lambeaux de nuages. Ils lui rappellent que sa vie déchiquetée ornera les bouches de mots enthousiasmés lorsqu'elle ne sera plus un fardeau dans ses tiroirs. L’ombre fera place à la clarté et les cerisiers en fleurs dépeindront des larmes de joies sur ses joues roses.
Allez, c’est l'heure d'apposer sa patte sur ses livres
Elle ne peut se résoudre à vivre aussi insouciante qu’à l’époque où son âme s'est fourvoyée. Son souffle s’accélère et ses yeux fixent un point à l’horizon. La chaleur sourde du soleil répand une douce lumière enivrant ses sens d'un léger hale. Ses pupilles dilatées entrouvertes lorgnent sans cesse sur ces lambeaux de nuages. Ils lui rappellent que sa vie déchiquetée ornera les bouches de mots enthousiasmés lorsqu'elle ne sera plus un fardeau dans ses tiroirs. L’ombre fera place à la clarté et les cerisiers en fleurs dépeindront des larmes de joies sur ses joues roses.
Allez, c’est l'heure d'apposer sa patte sur ses livres
mercredi 6 mars 2019
Boréale
Au loin, un chant m’est parvenu dans l'aurore boréale.
Un chant envoûtant, une mélodie venue du fond de la mer m’a fait me pencher par-dessus le bastingage. En plongeant mon regard dans les abysses je n'y ai vu que le reflet de mon désespoir. Perdu, au milieu de l’océan, je dérive pris dans les flots amers de ma solitude. Je me noie à la surface de ce monde si lisse en apparence.
Ivre d’émotions j'ai lâché prise et me suis écroulé, inerte sur le plancher de ma grisaille.
Une main douce aux griffes acérées s'est posée sur ma joue, creusant un filet rouge. Me réveillant en sursaut j'ai découvert ces yeux émeraude, me laissant happer par une musique enivrante.
Son corps mi femme me subjuguait par sa beauté naturelle. Sa queue de poisson frappait sans cesse le ponton. Ses longs cheveux noirs descendaient jusqu'à ses seins ronds et pleins. Dans le dos et sur les avant-bras des petites ailes assuraient un aérodynamisme effilé.
Son chant ne me quittait pas et ma tête devenait de plus en plus lourde. Je dansais sous les étoiles brillantes. Mon corps ne m'appartenait plus, flottant, se mouvant tel un poisson rapide. Autour de moi, des fleurs sous-marines endiablaient ma descente lente et savoureuse. L'air commença à me manquer et lorsque je refis surface je n'avais pas bougé. J’étais toujours allongé sur le ponton avec la femme poisson qui me fixait de ses pupilles dilatées.
Elle se pencha soudain et posa ses lèvres humides sur les miennes. Sa langue se fraya un chemin pour s'enrouler autour de la mienne. Mon cœur se mit à battre de plus en plus fort. J’avais l’impression que l’océan se joignait à nos caresses buccales. Cet instant aurait pu durer l’éternité.
Puis elle se releva et me regarda longuement en soufflant bruyamment. Sa belle queue se muait doucement en deux jambes longues. Elle fit face à l’horizon, et sous la voûte étoilée, elle chanta, faisant sortir des notes harmonieuses, illuminant le ciel et mon cœur pris dans son filet.
Elle a plongé brusquement me laissant avec un arrière-goût d’inachevé. Un sentiment de plénitude salée recouvrit mes ardeurs piquées au vif. J’hésitai à sauter pour la rejoindre mais les couleurs vives de l'aurore s'obstinaient à m'entourer de chaleur. Passant ma langue sur mes lèvres j'essayais de retrouver le goût de la belle créature.
Je me suis endormi, me laissant sombrer dans les abysses étouffantes et noires. Mon corps semblait vouloir se fondre dans les méandres opaques de ces eaux pourtant si claires. Je sentais la pression écraser ma poitrine et l'air s’échapper de mes poumons endoloris.
Quand je me suis réveillé, le ciel était bleu et la mer brillante de douceur.
Dans les jours qui suivirent, des modifications mordaient ma peau. Des petites nageoires et des ouvertures semblables à des branchies sont apparues. Mes yeux se faisaient plus sombres et dans ma tête résonnait une douce mélodie envoûtante et enivrée.
L'appel de L’aurore boréale se faisait sentir. Oserai-je plonger à corps perdu dans ce monde inconnu qui me tend les bras.
Hauteurs
Dans les rues de Paris, j’ai senti des volutes de courbes entourer mon esprit volatile. Des senteurs parfumées embaumaient la grisaille matinale. Les formes acérées de Vasarely m'emportaient dans un univers de cubes cosmiques. Son travail précis distillait çà et là des couleurs métamorphosées empreintes d'ombres et de lumières. Mes sens se perdaient dans les méandres opaques des œuvres lisses et ondulantes.
Au détour d'un mur, une femme posa son regard clair sur moi. Mes pieds montèrent sur la terrasse ouverte et je plongeai dans un tourbillon de cercles concentriques. Au-dessus des toits de la ville mon cœur brisé s'éparpilla aux vents rosés.
Je tombai dans les bras de cette inconnue, inanimé. Des lambeaux de mon âme effilochée s'engouffrèrent dans son cri de surprise.
Les formes géométriques me poursuivaient, leurs musiques complexes griffaient ma peau sur un air déchirant.
Sur la place Beaubourg j'entendis les plaintes silencieuses de la fontaine desséchée. Sa verve ne caresse plus les yeux des passants de sa splendeur immergée. Les larmes de Stravinsky ne souillent plus de leur légèreté les joues émerveillées. Sa liqueur a cessé de faire danser les étoiles dans les pupilles dilatées. Lafontaine pleure de ne plus être d’eau.
Je suis le cours de la Seine, au loin un chant me rappelle que l’air ne souffle plus les chandelles. De pas en pas dans le Marais je me retrouve aux Lilas, suspendu entre le temps et l'espace. D'être un instant pris entre le vivant et le calme.
Cette découverte du monde m'entoure et me ramène là où je suis né, nu, entre le beau et l’être.
Histoire de passer, un temps, une journée, une vie.
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