vendredi 28 décembre 2018

Aquarius



J’assiste à mon dernier coucher de soleil.


Dans mes yeux fatigués, les couleurs se reflètent en les teintant d'amertume. Un voile de larmes floute mes dernières images de l’horizon flamboyant. Une légère brise emporte avec elle mes instants de bonheur. Ces éclats s'envolent pour mourir dans les murmures des vagues compréhensives. Je me sens vide, perdu et désemparé.


Mon cœur est prisonnier de son cercueil.


Du haut de cette falaise je me laisse dériver entre les limbes souterrains, cherchant sa présence enfouie au plus profond de mon âme. Celle qui a enchanté ma vie, embellissant de pétales mon chemin, s'est fanée, assombrissant la lueur vacillante de mon regard.


J'ai froid…


Elle a brisé les chaines de mon passé et fendu la pierre qui habillait mon cœur, exempt de tout sentiment. Elle s'est immiscée lentement dans les méandres tortueux et soufflé un parfum aux senteurs délicates. Elle promenait ses doigts fins sur mes cicatrices et caressait l'espoir de redonner un souffle d'envie sur ma peau meurtrie. Sa bouche embrassait mes silences et sa langue léchait mes lèvres muettes. Elle déchirait avec passion le cocon de mon impassibilité. Des filaments parsemaient les draps de nos ébats fougueux.


Aujourd'hui, elle est partie, envolée et éparpillée aux quatre vents. La terre est son écrin et la mer porte en elle ses dernières paroles. De temps à autre les vagues nourrissent l'air de tendres écueils. Des je t'aime imaginaires me parviennent du lointain. Je sens que je ne pourrai bientôt plus résister à ces appels.


Le soleil se meurt, laissant derrière lui une traînée de couleurs impalpables. Mon cœur saigne, ouvert sur une noirceur ancienne.


Tu me manques…



Hier, j'ai fleuri ta tombe, ramenant un morceau de soleil, perdu entre deux pierres grises et délavées. Dans ce triste endroit, je me suis laissé tomber, incapable de tenir droit. La joue sur ton ventre je cherchais le souffle qui me ferait avancer à nouveau. Mon oreille n’entendait rien d’autre que le bruit de mes battements. J’étais bien, plongé dans mes souvenirs.


Le temps d’un instant.


Mon regard se porte sur le ciel déchiré, défait de n’être qu'un spectateur silencieux, laissant éclater sa tristesse et tremper mon être décharné. Ma tête s'ennuie de ses rires, de sa voix. Elle savait me faire grandir, si haut, que j’aurais pu toucher les étoiles et embrasser certaines constellations.


Mais dans mes souvenirs, elle a fait bien plus que briser ma chrysalide. Elle m'a construit un monde connu de nous seuls. Coupés par une rencontre insolite, nous avons bâti des remparts, scellés nos lèvres à cet espace imaginaire. Ce lieu nous protège des affres de la vie et contribue à ne pas nous éloigner loin de l’autre. J'y retourne parfois, mais les saveurs sont fades et manquent de lumière chaleureuse. Depuis qu'elle n'est plus, l’endroit me paraît incertain et dénué d'entrain. Je m'applique à parcourir les rues et à m’asseoir dans les dunes en fleurs mais le sable me semble glacé sous mes pieds.


Je voudrais tant que tu sois là, une dernière fois. Me susurrer des mots enrobés d'amour et légèrement saupoudré de douceur. Ta voix manque à mes courts instants de lucidité. Je rêve de m'évader, de parcourir le monde offert à mes pieds fatigués. De fendre les océans, caresser les vagues millénaires et les voir mordre les rochers impassibles. Sentir la chaleur grisante de tes regards amoureux.


Tu me manques.


J’ai en bouche le souvenir d'un goût de cendres. Te voir libre et immortelle, effleurer les airs de tes pas feutrés. Les mains tendues, je t'ai sentie glisser et t'échapper, emportée par le vent enchanté de t'avoir à ses côtés.



Tu vogues, surfant sous les alizés, pourfendant d'un air nonchalant la mer tel un navire esseulé. Ta liberté me rappelle que je ne suis qu'un homme, une chaloupe perdue dans l’océan de ma tristesse. Je dérive, ballotté par les tempêtes, les yeux rougis par le manque.



Un jour nous serons ensemble, et ce jour-là, ce sera un nouveau commencement…








                                                                                                              Aquarius, Décembre 2018

mercredi 5 décembre 2018

Orange

Sentir le parfum de ses lèvres. Goûter l’amertume de sa bouche et entendre les papillons voler dans son ventre. Caresser sa langue avec la mienne et voir une singularité se former dans ses yeux.

Comment ne pas sombrer et se perdre dans le nuage immense de son être. J'ai dérivé en m'accrochant aux repères virtuels posés ici et là dans les méandres olfactifs de son désir. Poussé par une infinie douceur de me consumer lentement dans un univers constellé de battements sourds.

Je perdais pied tandis que grandissait en elle une vague silencieuse de plaisir. J'emprisonnais ses seins tout en mordillant son cou, me rapprochant dangereusement de sa carotide. Le goût du sang se fit plus proche.

Dans un rêve j'ai entendu son cri briser le silence de nos corps enlacés.

Le ciel s’est déchiré en éclats bleus. Et le rouge s'est déversé dans un torrent bouillonnant. Mes yeux se sont teintés de larmes pendant que le noir habillait les gens du cimetière.

J’étais seul, isolé dans ma bulle de verre.

Devant moi, la pierre tombale de mes cauchemars ornait la grisaille du matin.

Des roses orange fanées se mouraient d'ennui.

Mon corps se lamentait d'être vivant. Prisonnier de cet état je m’enfonçais dans un abîme sans fin. Ivre d’évasion je m'envolais le cœur en lambeaux et le soleil dans le dos. Je cherchais à disparaître sans laisser de traces. Dans ce monde virtuel je connaissais un endroit dénué de tristesse. Un refuge pour âme déchue. Libre de danser sous les étoiles et parsemer les chemins escarpés de morceaux d'envie.

Loin de ce lieu immobile, enseveli sous des tonnes d’histoires cassées par le temps, craquelé par les morsures anachroniques. J'ai gardé dans mes souvenirs une myriade de poussières polies par des années à panser mes blessures.

Allongé sur le dos, au milieu de ces ruines délavées j'ai senti qu'elle était là, à me regarder me vautrer dans la fange de nos ébats capricieux. Elle infiltrait mes pensées malheureuses et s’endormait paisiblement, son souffle sur mes joues humides.

J’ai assisté à mon enterrement, délaissé de mon enveloppe mortelle.

Depuis nous vivons nos noces funèbres, unis par les liens sacrés de la mort.

Ensemble, pour toujours…

dimanche 18 novembre 2018

Nue

Je me suis retrouvée dans cette pièce noire. Si sombre que mes yeux me faisaient mal à force de percer la lumière. Envahie par les idées glacées qui frappaient à la porte de mon cerveau embrumé. J'ai eu peur de n’être qu'une poussière perdue dans l’immensité de mon désespoir. Je guettais les moindres signes, me rappelant sans cesse que je n’étais pas encore morte.

Je repensais aux derniers jours qui m'avaient conduite à cette lente agonie. Des instants de lucidité échoués dans cet abîme de désolation.

Des instants de soleil embrasaient les remparts en lambeaux de ma vie déchiquetée. Des morceaux de ciel fracassaient des lames à l’écume blanche sur les falaises de ma solitude décharnée.

Je me revoyais, assise sur ce banc, attendant que l’horizon change de couleurs. Que mes joues se peignent d'orange et de jaune. Que mes lèvres rosées goûtent enfin à l’infinie douceur de son souffle. L’amère victoire de ma tristesse dans ce monde utopique soit la réelle découverte d’une illusion préfabriquée. J’attendais avec impatience son désir de me rencontrer pour fonder son empire imagé.

J’étais là et lui était en retard.

La fragilité qui m'habitait encerclait mes pensées sauvages et emprisonnait ma poitrine dans un écrin aux pétales irisés. Je tremblais, incapable de retenir mes larmes défigurant ma peau fraîche. Je fixais ces arbres aux feuilles colorées me désolant de leur nudité automnale.

J'ai quitté ce parc, laissant derrière moi la grisaille et le couchant et suis rentrée seule, le regard dans le vague. Mon cœur meurtri pleurait en silence tandis que mes jambes se faisaient lourdes.

Chez moi, je pris un thé noir et un bain. L’eau chaude me fit du bien mais ne suffit pas a réchauffer les endroits glacés de mon corps endolori.

Des gouttes rouges perlèrent de ma peau nue et teinta la baignoire de rose. Je ne me rappelais pas de ces gestes étranges. Ma bouche s'ouvrit sur un sanglot étouffé. La vie s’échappait et moi je m'envolais.

Isolée entre les murs de ma prison, je sombrais dans un océan de coton. Lovée dans une emprise imaginaire je perdais pied, transportée dans un coma abyssal. Entraînée par une main gigantesque, je me sentais légère comme une plume. Des visions de mon passé s'ouvraient et m'invitaient à les rejoindre.

Je dérivais, sans but et sans encombres.

Et soudain, une lumière blanche a éclairé mon univers déchu. Une voix se faisait entendre au lointain. Les murs de ma pièce sont tombés sur le plancher de mes peurs.

J'ai ouvert les yeux sur ma renaissance.

Il était là, son regard plongé dans le mien. Ses yeux dorés frappaient a la porte de son amour. J'ai déchiré les barreaux de papier et brûlé les actes de faiblesse.

Pour lui, j’irais décrocher la lune de son piédestal car la mort n'est pas mon but mais une finalité.

Merci d'être passé le temps d’un instant ...

mardi 13 novembre 2018

Brumes

Dans les brumes de son parfum je me suis enfoncé plus loin que l’horizon. Mes doigts se sont agrippés à des effluves escarpés et j'ai dérivé amer et frissonnant. Mes yeux ont perdu pied et j'ai glissé comme une ombre sur un mur brisé. Depuis les abîmes de son corps j'ai affronté des vagues de douceur et des tempêtes de caresses. Plongé dans l'ivresse de sa bouche je reprenais goût à l'envie de l'entendre me susurrer des gentillesses.


J'ai compris plus tard que son cri serait le dernier de son amour. J’entendais son cœur battre et ses mains me serrer les bras. Une onde sauvage m’a emporté me laissant détruit et gisant dans les flammes étoilées. Le froid s'est abattu sur nous, laissant des perles salées tacher nos ardeurs encore chaudes. Les senteurs fruitées parsèment les rondeurs ardentes et brisées de notre entente nouvelle.

Je sors dans la nuit, humer l’air serein et calme. Son visage se cache dans mon regard grisé. Parmi toutes ces étoiles, celle de Zeta me rappelle qui je suis. Comme elle j’ai un double, un miroir, une goutte d'eau.


Dans ma tête c’est le chaos. Et dans le ciel une explosion de couleurs teinte mon visage. Une image s'imprime sur ma rétine. Je revois ma planète. Des nuages effilochés tombent dans un océan de poussières filantes. Depuis mon observatoire je devine des nébuleuses géantes grimaçant d’incertitude et gravissant sans cesse autour de ma personne.


Aujourd'hui je suis ici demain je serai là bas.


Entre les deux un monde, à l’intérieur elle.


Mon double me regarde de l'autre côté du miroir.


Et si cet espace de verre venait à se briser, serais-je moi aussi prisonnier du temps ?


Incapable de décider lequel de nous sera celui qui mènera la danse. Celui qui s'envolera rejoindre les étoiles et fera le tour de l'univers, perdu dans les méandres du temps. Nageant avec les comètes et flottant pris entre des poussières et des météorites. Devenant à son tour un point dans la nuit.

J'émerge de mon sommeil, je suis seul, vidé et assoiffé. Une main se pose sur mon épaule et m’entraîne à la recherche du temps perdu. Je me noie de nouveau et repars faire un tour du coté de chez moi.

samedi 10 novembre 2018

Dérive

Allongée sur le toit de sa maison, les mains derrière la tête Julie ferma les yeux. Alors que dans le ciel des déchirures rouges et orangées apparaissaient, faisant croire que le soleil pleurait des larmes de sang. Entourée de chants d'oiseaux, elle baissa sa garde et s'enfonça profondément dans une bulle de rêve.


Son esprit avisé l'amena sans détours vers une page blanche au premier abord. Mais si on s’approche d'un peu plus près on aperçoit des falaises érodées et sculptées par la mer depuis des années. Leurs contours ciselés sont caressés et façonnés par une dame aussi âgée que la terre. Ses vagues, déchirantes et suicidaires viennent mourir au pied des rochers, les noyant sous une affection débordante de baisers mouillés et glissants.


Julie porta son regard sur les hauts murs entourant et isolant ainsi la cité imaginaire. Elle se promena dans les ruelles et les sentiers sinueux, laissant derrière des morceaux de sa vie éparpillés, volant sous le vent frais. Ses longs cheveux blonds flottaient et ses pieds fins touchaient à peine le sol de sable.

Soudain, elle l’aperçut, cet endroit si fascinant, que l'on appelait le Samarcande. Tous les chemins mènent au centre. Elle découvrit qu'il y en avait douze comme les signes du zodiaque. Elle se souvint vaguement de son ami le sagittaire, cet être unique, partagé entre l’envie et le rêve. Il y avait d’ailleurs son signe gravé sur un des hauts murs desservant la place circulaire, parsemée d'arbres et de fontaines. Quelques îlots de couleur tranchant sur le blanc et l'ocre principaux.


Elle était venue pour se reposer mais elle sentit que son cœur lui faisait si mal qu'elle crut qu'il allait exploser, déchirant sa poitrine douce et sensible. Perdue dans ses pensées elle poussa un long cri de détresse qui mourut doucement brisé sur les murs lisses et pales. Julie sentit quelque chose tendre le tissu dans son dos et compresser ses seins. Une vague aiguë de douleur la fit pleurer brutalement. Surprise elle s'empressa d'ôter son vêtement et tenta de regarder par-dessus ses épaules. Elle vit que deux protubérances blanches, douces et molles sortaient lentement de son dos.


Qui était-elle en train de devenir ?


La peur s'empara et elle resta, figée sur ses pieds, à regarder tout autour. Peut-être qu'elle n’était pas seule. Peut-être qu’elle ne l'avait jamais été. Elle était angoissée à l’idée de découvrir ce qui l’avait fait revenir sur les lieux de son enfance. Torturée de n'avoir jamais envisagé que son destin soit aussi différent de ses envies.


Prendre son envol, parcourir les horizons à la recherche des lieux les plus inavouables et des eaux les plus pures. Sentir la froideur des vents polaires glacer ses lèvres douces. Succomber aux chaleurs les plus torrides dans les déserts les plus sauvages et inhabités.


Et, quand, tu te réveilleras, je m'en irai sur la pointe des pieds, silencieux. Telle une ombre se glissant dans le reflet de ton âme. Je grandirai en secret, me lovant dans l'antre de ton cœur en broyant tes idées noires. Je danse sous le vent de ton corps, embrassant les zones claires et abîmant d'une douceur persistante les relents opprimés de ton côté noir. Je déchire tes envies malsaines et caresse tes mains mielleuses de senteurs inachevées.


Tu erres, défiant de ce regard azuré, les intrus déchus de ton royaume décoré de bulles et de plumes. Tu les rassures de ne plus les revoir ici et là, mordant les craintes d'une dent implacable.


Le sagittaire se fond dans ce décor perdu, isolé des habitudes et griffé d'une amertume légèrement parfumée au safran. Tant qu’il n'aura pas décoché sa flèche, il sera là, parcourant les airs d’une bienveillance dorée.


Croisera -t-il un jour le chemin de Julie ?



À suivre…

mardi 30 octobre 2018

Explore

Elle me regarde, de cet air intriguant et tellement adorable. Sa bouche me sourit mais ses mains tremblent. Sa poitrine se soulève et danse sous ses vêtements. J'ai envie de la prendre et de la caresser.

J'ai peur, j'ai froid, je voudrais me réveiller. Je le suis déjà.

Son front, collé à cette vitre, semble vouloir passer à travers. Ses longs cheveux se promènent tels des acrobates du ciel. Des larmes coulent sur ses joues rosiers par l’émotion.

La bouche cendreuse je la regarde s’éloigner vers un lointain horizon. Des poussières de souvenirs s’accrochent à mon esprit vide. Des lambeaux de rêve s’effilochent en griffant mes envies de caresses. Je dérive, perdu, isolé dans une mer glaciale, froide de silences déchirés. Des larmes de souffrance s'abattent sans un cri sur l'agonie de mon cerveau embrumé. Je me noie, je suffoque, j’aspire mais aucun son ne sort de ma gorge dépouillée d'amour. Je reste là, hébété, à fixer ce train qui s'en va.

J'ai peur soudain, de marcher dans cette nuit noire, avide de monstres sans corps. L’éclairage de néons blafards éclaire mes pas les plus sombres. J’avance pris au piège dans cet antre nébuleux à courir après les ravages du temps.

L’océan de candeur a fait naufrage sur mon corps et délavé les odeurs sablonneuses des parfums de sa bouche. Elle a nettoyé les traces volcaniques que la grisaille avait peinte sur mon visage. Ses mains ont lissé les plaintes des coquillages de mes cheveux noirs comme le souffle des enfers.

J’ai attendu que le soleil se lève pour gravir les marches qui m'amèneraient dans un refuge libre de sens. Je m’enfonce sans m'en rendre compte dans un désert affectif vide de l’essentiel. Son odeur manque à ma certitude de n’être plus qu'un morceau d’éclat brisé par les lettres de son absence. Je dérive progressivement vers une rivière assoiffée de peurs infinies. Mon cœur se serre et ma langue se prive du bruit de ses mots.

Je ne ressens que tristesse et douleur. Dans cette tempête émotionnelle je vole pris dans un tourbillon de déchirures mentales qui m'entraînent vers une funèbre destination.


Le train est parti depuis longtemps mais moi je suis toujours là, à compter le temps qui nous sépare de nos retrouvailles.


Le temps qui me sépare de toi.

dimanche 28 octobre 2018

Ailes & Lui

Dans ses yeux, une part sombre brûlait en silence. Elle ne laissait rien paraître si ce n’est une douceur et une tendresse tellement fortes qu'on la croyait sincère. Pourtant, ce désir de chatouiller la part sensible présente en chacun de nous faisait fondre les barrières les plus solides. Pris au piège, je m’enfonçais paisiblement sans m'en rendre compte, dans une illusion digne des plus grands numéros de prestidigitation. J’avançais les yeux fermés vers une forme pure et dangereuse du mal. Mon cœur était serein et mon esprit léger. À aucun moment je ne vus la fin de mon monde.

Ses yeux violets, remplis de bienveillance me regardaient d'un air lointain et plein de gentillesse. Ses mains douces caressaient ma peau crispée par le temps qui avait fait son œuvre et l’amertume a délavé les morsures des années. Sa bouche rouge, laissait place quelques instants à des dents blanches et pointues. Son sourire n’était pas carnassier mais plutôt protecteur. J'ai souvent eu envie d'y plonger ma langue. J'apercevais sa poitrine soulevée par une respiration lente et calme. Son cou laissait entrevoir un battement profond et sensuel de sa carotide.

Quand je m’abandonnais dans ses bras souples je sentais étrangement une main se glisser dans mon corps et serrer mon cœur. Je voulais crier mais une présence dans ma bouche étouffait mon cri et mon sang semblait se refroidir.

Un jour, je sentis des canines atteindre ma gorge et s'enfoncer progressivement dans ma chair. Une force implacable envahissait mon esprit et embrasa mes sens en faisant couler le peu d'envie qu’il me restait. Je sentais sa présence dévorer ma volonté et la passion de m'accrocher à son flanc se précisait au fur et à mesure que je sombrais lentement dans un rêve sans lumière.

Je me noyais, perdu entre deux eaux, isolé dans un océan d'ouate. Le ciel faisait pleuvoir des plumes blanches tombées des nuages en lambeaux, déchirés par une tempête de larmes. Elles dessinaient dans l'air des arabesques pointues comme des milliers d’aiguilles visant le sol abîmé par les ailes agonisantes des anges meurtris. Mes yeux regardaient sans voir ces vestiges d'une vie passée à lutter contre un être dénué de bonté. J'eus de la peine pour le serviteur que j'aperçu, les cheveux au vent, flottant dans ma direction. Je ne reconnus pas le monstre qui me tenait à sa merci. Juste ses yeux rouges teintés d'un éclat améthyste me rappelaient vaguement quelqu'un.

Quand il s’empara de ma bouche dans un ultime baiser je vis la femme murée à l’intérieur de cette enveloppe vide de son contenu. Elle voulut me dire un mot mais son ravisseur bloqua ses paroles en buvant mon désespoir. Dans un éclair de lucidité j'empoignai sa nuque en serrant mes doigts sur cette vie qui s’échappait de mes veines. Ma main gauche réussit à se frayer un chemin dans sa gorge et attrapa le peu d’humanité qui subsistait encore, à savoir cette femme prisonnière de ses qualités. J'écartai la bouche de cette chose en me servant de mes mains et entendis craquer cette mâchoire féroce. Quand je tirai sa langue hors de son palais elle emporta dans son sillage toutes les humeurs malveillantes qui sommeillaient dans les bas-fonds des enfers.

Elle m'apparut aussi nue et fragile qu’une sirène échouée sur une plage déserte. Derrière elle, le soleil jaune faisait briller de ses larmes dorées le ciel noir et les nuages s'effilochaient en cascade de pluie. Recouvrant l'air infecté d’une pureté odorante de senteurs florales et dégoulinantes de rayons invisibles.

Avec un dernier regard et nos mains serrées nous nous sommes laissé aller dans un sommeil dévastateur. J’ai repris conscience, dans mon lit, des seins doux écrasant ma poitrine sur laquelle une marque en forme d'ailes semblait s'y être déposée. En baissant mon regard il plongea dans ces yeux si clairs et si infinis que je me laissai dériver, une fois de plus. Mais cette fois, avec un sentiment de force brutale. Je perçus un changement dans ses caresses manuelles. Elles étaient plus lisses et désireuses de m’emmener dans un endroit isolé, dans lequel nous serions à l'abri de nos envies.

Perdus dans une bulle, libres de nos pensées les plus sauvages. Nous laissions faire, le temps d'une étreinte charnelle, nos instincts dévorants et nous évader dans la liberté impitoyable d'une nature grandissante. Je sentais des envies monstrueuses de faire mal mais lové dans son regard mon cœur était prisonnier de ma victime. Je lui appartenais tant qu'elle me maintenait en vie. Si je lui échappais, elle disparaîtrait avec mon humanité et mon ascension dévorante de dominer les étoiles.

Elle est si belle, sa peau dorée parsème de morceaux de lumière les recoins sombres de mon âme. Je défais les lacets de mon esprit le reliant au maître qui m'a coincé dans cette prison décadente. Une dualité entraîne mon corps dans un combat entre les ailes de l'enfer et la blancheur noircie du ciel entrouvert sur une faille de la nébuleuse du cygne. Une entaille qui pénètre mes chairs d’une déchirure mordante et agressive. Je sens mon dos se modifier et mes os faire place à de nouveaux vestiges. J’avais peur de ne plus lui appartenir, de me sentir différent. Mais ce fût le contraire, cela nous a rapproché.

Nous avons gravi des sentiers hors du charnier natal et pris notre envol du haut des abîmes des arbres centenaires. Notre nouvelle vie commence et nous guide vers un étrange horizon d’étoiles. Je sais maintenant que mon destin n’est plus de me laisser mourir mais de vivre, emporté par une soif de découvrir une cime plus éphémère que les ruines de nos vestiges désenchantés. J’appréhende avec une certaine candeur les pensées les plus sombres qui me torturent en faisant douter ma deuxième aile.

Son regard brillant me transperce toujours avec autant de fougue que les premiers rayons du soleil. Elle dessine sur mon cœur des lettres incandescentes qui resteront emprisonnées dans les limbes de mon âme. J'aspire à ne pas oublier que je lui dois cette vie. Et qu’elle me doit la sienne.


D’eux égalent un.


Nous sommes uniques.


Nous sommes L et Lui…


Ailes

Kaléidoscope

J’erre dans les serpentins festifs des désirs de mon âme. L'odeur charnelle des senteurs boisées ouvrent des effluves fleuris à mon esprit perdu dans des rivières à l’écume enchantée. Les parfums enivrants des corps entrelacés parsèment les chemins tortueux des limbes de mon cerveau endormi. Je traîne entre différents espaces qui ensablent de leurs traces indélébiles tels des nuages grimaçants de légèreté les veines de mon cœur fatigué.

Des vagues déconcertantes de caresses luisantes d’écume font frissonner mon corps délavé par le soleil couchant. L’écume aux lèvres je regarde d’un œil vide le lent travail de la mer sur les côtés abruptes de ces falaises sculptées dans l'infinie indifférence du temps. Le vent se fait sourd et entraîne dans ses sillons des déferlantes d'amertume qui viennent mourir sur le sable froid et impassible.

Je songe à m'enfoncer dans cette eau glaciale pour découvrir ce monde enfoui et connu des Atlantes. Une main me retient, des lèvres dépose un baiser sur ma joue, un souffle s’infiltre dans ma gorge sèche. Mon regard est perdu et fixe inlassablement une lune bleue tandis que des doigts m’attrapent par le bras. Je glisse le long de ce vide inopiné et tombe sans efforts dans un désert affectif. Cet espoir de finir détruit par une nuit, absorbé par les étoiles de ma solitude ravive une douleur fertile, écrasée entre une douceur et sécheresse aseptisée.

Je rêve d'y voir plus clair, grimaçant entre l'effort de me réveiller et celui de me perdre dans une tendresse dévorante de résister à l'enfer de rester immobile. Je me noie dans mes paroles et suffoque à l’idée de rester libre de ne pas être. J’hésite de paraître et de n’être qu’un morceau de viande, accroché à son crochet, pendant dans le vide blanc et implacable d'une chambre froide. Je cligne des yeux sous la froideur blanche et crue de cet éclairage glauque et glacial.

Les couleurs de ma vie me reviennent en mémoire. Elles sont aussi chaudes que le soleil, calmes et impétueuses que la mer, douces et libres que le vent. Éphémères et ouvertes que les fleurs. Noires et profondes que l'enfer.

Je vis sans buts mais je suis libre d’être ce que je veux. Je reste ici, prisonnier de mon corps mais ailleurs, sur cette île perdue dans l’horizon, à l'endroit où le soleil couchant s'enfonce dans la mer qui le reçoit toutes les nuits.



Et, ce, depuis que la terre est devenue elle-même

mercredi 12 septembre 2018

Voile

J'ai grandi avec la certitude de n’être qu’une poussière dans ce monde si lisse et transparent. Je pensais ne pas être différent des autres, glissant sous le vent de la liberté enchantée. Je regardais le ciel et n'y voyais que des éclats de bleu surfant sur la vague de l’insouciance. J'adorais avoir des reflets dorés dans les yeux. Sentir une chaleur légère envahir mes sens et dévorer du regard les courbes enlacées des bâtiments délavés.

La paresse des nuages encourageait mon inaction à rester immobile. Je voulais encore forcer mes yeux à dépeindre la brume enveloppant la détresse de mon âme. Je suffoquais à l’idée de ne plus voir la tendresse grimaçante des gouttes perler à la lisière de mon cœur. Je rêvais de partir sans amertume ni douleur. Mais jamais je n'aurais pensé décider de rester ici, muré dans mes incertitudes, emprisonné dans une musique qui n’était pas la mienne.

Je me retrouve isolé dans une bulle, oppressante et givrée, aux sons crissant sous la lame de verre. J’avance, les mains tendues vers des endroits sombres et transpirant d’humeurs déchirantes. Mon esprit erre, affamé de senteurs odorantes et de rires fleuris. Les allées entachées de pas furtifs embaument mes oreilles de bourdonnements sereins.

Je me noie dans les cris de douleur des déferlantes, dévastées et surprises de ne plus me voir. Je m'enfonce dans les abysses éteintes et parsemées de larmes vides et creuses de désillusion. J'agrippe sans forces un morceau d'envie caressé par le tendre désir de rester hors d’atteinte. J’embrase mes sens d'une douce folie, une cruelle routine, pressée de trancher une part de tristesse.

Mon corps se replie sur lui-même et mes doigts dansent épris d'une caresse subtile faite d'amour mordu et déchiré. Ma peau se creuse et se tend, faisant grincer mes dents. J’observe les alentours, déchiffrant les codes millénaires d'une société détrempée par des années d’évolution.

Je me lève, remets mes lunettes et quitte à regret ce banc ensoleillé par les sourires des passants…

Un jour, je m'en irai par la grande porte. Celle de mon âme débarrassée de sa clé de verre.


Enfin libre

Noire

Elle me protège des maux anachroniques, faisant craquer les endroits trop fragiles. Elle vit de ma souffrance et se repaît de mes sommeils verglaçants qui me laissent parfois de glace. Elle creuse sans répit des sillons amères ressemblant à des entailles. Elle arrache sans cesse des morceaux de moi les laissant s’éparpiller et voleter dans une atmosphère lourde. Je sais que je ne peux vivre sans elle et pourtant je ne peux me résigner à la laisser faire de moi l’objet de ses délices.

Je la porte parfois comme un fardeau incapable de danser telle une poussière d’étoile. Le vent m’entraîne dans des lieux qui ne chantent que lorsque la pierre pleure. Elle pèse de tout son poids sur ma personne et me coupe le souffle chaque fois que je veux l'aider à avancer plus loin que l’horizon de mes yeux. Jamais le soleil ne m'a autant brûlé mais j'ai supporté la douleur parce que je devais me montrer aussi fort que le sable centenaire. J’ai senti mes pieds se couper et perdre ce précieux liquide, celui qui teinte la mort de son sourire.

Je suis las d’être dans ce cercueil de verre entourant mes idées savoureuses et délicieuses. Je vois que le temps ne me laisse pas mener mon destin tel que je le voudrais. Il dessine sur moi le naufrage de ma vie et je ne peux que respirer en souvenir de ces vertes années. Mes os craquent et me rappellent que je suis toujours là. Immobile, humant l’air fissuré, inquiet de n’être plus qu'un souffle à bout. Je sens ma bouche vide chercher une goutte d’amertume et se remplir d'odeurs poisseuses. Une larme coule, traçant sans le vouloir une longue plainte de désirs enchantés. Elle glisse ivre et caressante les creux imparfaits de cette amie si longtemps bafouée.


Tu es belle, et certainement pas aussi parfaite mais je compte sur toi autant que toi sur moi.



Merci ma peau

dimanche 9 septembre 2018

Morsure

J'ai senti une douleur lancinante battre mon cou. Une envie sourde de tout lâcher et de me réfugier dans un espace clos, ouvert sur les émotions. J'avais envie de crisper mes doigts fins sur une fêlure profonde de mon âme. De danser sur un air déchirant d'espoirs déchus. De glisser sur une musique, glaçant les esprits entraînants vers un abîme de sécheresse laconique.

Une plainte silencieuse est née dans ma gorge nouée par l’angoisse vérité d’être seule. Mes yeux ouverts ne voyaient que le reflet de ma peine brutale et lourde. Le noir faisait place au blanc et la lumière enflammait ma cornée fragile. Un cri solitaire s'emparait de mon corps transpirant l’amer abandon de disparaître.

La pierre froide et humide me rappelait mes moindres démons enfantins. La peur s'insinuait lentement entre deux erreurs du passé. Et remontant les méandres tortueux de mon immobilité elle gravit les sables mouvants de son cruel destin. La lame froide et désincarnée s’immisce entre les effluves de mon corps flasque et tiède. L’empreinte de son odeur imprègne ma chair fragile et désarmée.

Lorsque je reviens du monde endormi, c’est un dégoût profond de la nature qui fait remonter toutes les saveurs sauvages de mon ventre meurtri. J'ai mal sans trouver quel nom porte cette douleur. Mon imaginaire a repris le dessus et je me sens plus faible que jamais. Sale et détruite, vivante mais morte, souillée et dévastée.

J’ai des marques et des griffures imprimées sur ma peau pourtant si douce. Mes seins portent les stigmates d'un avenir incertain et d'une route plus sombre. Je voudrais ôter ces taches invisibles et faire disparaître ces meurtrissures qui m'ont blessée à vie.

J'ai encore le goût putride de leurs mots indélicats en bouche. Leurs rires et autres cris transpercent mon cœur d'une infâme sécheresse démunie. Leurs langues gluantes et fétides ont barbouillé mes zones tendres et accueillantes d'un mépris sournois déshumanisé.

J’entendrai toujours leurs voix si impudiques et ces souffles si inconscients de désirs inassouvis. J'ai peur de vivre, ici ou ailleurs. De me retrouver face à ces monstres d’égoïsme si sûrs de leur pouvoir du nombre supérieur à une. Je suis déchirée, dévastée et inconsolable d’une sélection non naturelle.

Cette morsure a tailladé mon être et fait de moi la victime d'un sentiment bestial, décrié mais toujours actif. Je me sens faible et ravagée par une horde de charognards prêts à se jeter sur leur morceau de bidoche avariée et infestée de larves grimaçantes.

Cette cicatrice mord mon épiderme et suinte d'une douleur tenace et récurrente. Je voudrais cesser de penser mais si je m’arrête je meurs, immobile dans cette poussière lumineuse et caressante. Cette tendresse apparente me transporte vers des lieux où des bottes ne sont pas légion. Je m’effondre, perdue entre deux atmosphères, isolée mais entourée, seule mais encerclée.

Vivre, survivre et revivre…

Sans, pendant et après un viol…

jeudi 6 septembre 2018

Elles

En me réveillant ce matin, je sentis une douleur lancinante au niveau des omoplates. En passant mes doigts un léger suintement les recouvrit. Je n'avais pas vraiment mal. C’était très gênant et pour recouvrir ces deux sortes d'entailles je dus me contorsionner en maugréant abominablement.
Je ne savais pas comment ces griffures avaient pu apparaître aussi subitement. Je me souvenais seulement avoir rêvé de m’être senti libre et flottant, entre deux couches de nuages. En inspectant mes draps je ne trouvai rien qui puisse me mettre sur une piste.

Au cours de la journée, j'avais l’impression que quelque chose écartelait mes muscles et ma peau abîmée. Je sentais mon sang couler le long de ma colonne et s'agglutiner en formant une croûte bien épaisse et sombre. Je me sentais vide et fiévreux même si, à l’intérieur de mes côtes, mon cœur battait comme un coureur de cent mètres.

Le lendemain, deux protubérances de chair et d'os ont fait leur apparition. J’avais de plus en plus mal mais mon corps se modifiait à mon insu. Je ne pouvais qu'assister à ce changement soudain, impuissant. Je commençais à sombrer dans un délire angoissant et suffoquant. Je dérivais, sans but, immobile à travers les tiraillements désordonnés de mon corps. Une vague de souffle brûlant s'abattit sur mon front moite et en total déchéance. Je perdais pied, grisé par une déferlante, écrasé par le poids de l'amère désillusion de n’être qu'un cri perdu au bord du précipice.

Quand je revins à moi, la nature avait achevé son œuvre. Je ne me reconnus pas. J’étais enfin à l’image de ce que j’avais rêvé sans oser me l’avouer.

Contrairement à Icare, je ne risquais pas de me brûler. Je pourrai m'approcher au plus près du soleil et sentir sa chaleur envahir mon être de sa douce musique dorée.

Avec elles je me sentis pousser une décharge d’adrénaline qui me ferait voler jusqu'au firmament des cimes inhabitées. Et rivaliser avec les monstres de métal et peut-être même Superman s'il existe…
Je me sens pousser des ailes…

Qui suis-je ?

mardi 4 septembre 2018

D'or

J’aime le regarder, sentir sa chaleur envahir mon corps. Savoir qu’il illumine mon être de sa lumière m'inonde d'une douceur enivrante. Chaque fois que je le perds des yeux, ma peau se rétracte et mes sens s'affolent. Je ne peux vivre sans lui.

Un matin gris et sombre, je me suis retrouvé sans forces et prêt à me laisser m’enfoncer dans la fange la plus noire. Mon cœur s’impatientait en faisant des bonds désordonnés dans ma poitrine. Mes yeux fatigués de rester ouverts le cherchaient avec frénésie. Je me sentais déprimé et sans goût. Une odeur de cendres asséchait ma bouche pourtant si volatile.

J’avais faim de reprendre des forces et de le voir à mes côtés. J'ai décidé de prendre de la hauteur et d’aller jusqu’à lui. J'ai obligé mon cerveau à voyager et à voir par delà les nuages. Laisser libre court à mon imagination me faisait grignoter des éclats de temps. Quelques secondes semblables à des effilochés de légèreté gravissant des montagnes d’horizon. Accroché aux ailes de poussière des minutes de plumes s'enfonçaient pleines de bulles d'air. Quand les heures parurent si longues les éclats de morsures marquaient ma peau fragile. Je dérivais saigné à blanc par une danse effrénée d'attaques poinçonnant mes paumes de rouge. Mon voyage touchait à sa fin et la soif de liberté m'avait conduit dans des méandres désordonnés de mon esprit inanimé.

La mort m'a rattrapé de justesse entre deux délires virtuels. J'ai dérivé, flottant, entre deux adresses. Perdu dans ma sphère, j’attendais avec impatience, la percée brutale et apaisante de mon ami.

Enfin, tu es là, pour m’accompagner dans mon dernier royaume. Ma dernière chambre qui sera ma prison dorée, brillera de tes mille feux. Sans entraves je pourrai assister à ton dernier bûcher. Ma demeure est la tienne. Fais d'elle ce que tu veux.

Fais éclater ta joie une dernière fois, mon ami…

Le soleil….

jeudi 30 août 2018

Papillon

C’est quand je suis tombé que j'ai eu mal. Si fort que ma bouche n’arrivait à ne sortir aucuns sons. La douleur sourde entravait mes membres et l’angoisse étreignait ma peau grimaçante. J’avançais dans un noir plus profond que la nuit la plus froide. L'air glacé s'échappait de mes poumons tristes et abattus.

Je découvrais que jamais je ne pourrais oublier ce sourire, morceaux de vie, entrelaçant les vestiges d'une rencontre délicate et délicieuse. J'avais construit des remparts de cristal entre le monde et cet avenir lumineux. Des caresses de désir nous faisaient voyager de dunes en montagnes. Tels des papillons exotiques nous dansions enivrés par des effluves miroitants de légèreté.

Aveuglés par cette tendresse soudaine nous avancions à pas de géant vers l'inconnu infini. Et dans le doute inhabité nous déplacions des espaces scintillants de poussière étoilée.

Cette sagesse tardive m'a sauvagement agrippé au point d'étendre son emprise sur nos jeunes corps insouciants. Sentant le mal apparaître comme une épine dans le pied j'ai fermé les yeux pour le faire disparaître. Mais il était déjà trop tard.

Le ciel s'est assombri et les cris sont apparus. Lancinants et grinçants j'ai entendu une vague maligne glisser sur mon oreille. Une tempête orageuse a ravagé nos ailes et coupé nos envies, nous éloignant de notre dessein premier.

Les vagues hurlaient et chevauchaient des lames brisantes et frénétiques. Je ne reconnaissais plus ma terre d’exploration. La purée de pois nous faisait dévier de notre imaginaire commun.

Ce jour-là j’ai su que j'aurais peur de la solitude.

Perdu dans ma tête je nourrissais l'espoir de nous retrouver ensemble. Mais il faut croire que le temps avait d’autres projets pour nous. J'ai espéré qu'elle ne partirait pas sans moi.

Et je me suis relevé, seul, muré dans un imaginaire qui n’était pas le nôtre. J’attends avec impatience de la revoir.

La folie, ça maintient en vie même si je ne le suis plus… perdu dans mes cauchemars et ma détresse je rêve que je ne suis plus vivant et pourtant je ne perds pas espoir de la retrouver.

Ma vie d'avant….

Blanche nuit

Je me suis retrouvé prisonnier de sa passion lorsque qu'elle n’était plus là. Je me repassais sans cesse ces morceaux effilochés faisant résonner ma bulle de verre. Leurs sons provoquaient des éclats de lumière sourds. J'entrevoyais les instants de répit comme une torture grinçante ravivant une douleur enfouie. Je sombrais petit à petit dans l’insolence dénaturée. Ma tête bourdonnait et mes mains tremblaient. Coincé entre deux gouffres mes sens dérivaient à l'agonie.

Je cherchais mes mots, haletant, sentant l’amertume citronnée me piquer les yeux. J’étais effondré, suffoquant, ébahi par tant de solitude enivrante.

L’odeur de sa peau n’était plus qu'un reflet envahissant de la douceur ampoulée de ses mains délicates. Son souffle sensuel me faisait trembler par son absence subtile.

J’étais prisonnier de sa tendresse manichéenne. Sa bouche futile embrasait l’atmosphère caressante et rosée. Pris d'une subite délivrance elle enroula sa langue autour de mon cœur et aspira la liqueur ombrée.

Ses dents croquèrent la lumière du soleil et ma peau se recroquevilla sur mes os. Le dessin de sa marque féline me marqua désespérément et l'air me manqua. Je m'enfonçais dans les limbes poissonneux de ses sentiments voraces.

Le noir entraîna mon naufrage amoureux et me laissa sans vie sur une plage ruisselante. Le ressac chatouillait mes espoirs d’entendre la musique léchée du vent capricieux.

Je me suis réveillé, à bout de souffle, après une opération à cœur ouvert. Je buvais les paroles et dévorait les silences inquiets. La lumière crue mais enthousiaste m'embrassait de son aura poignante. J'avais faim de la revoir et d’entendre ses seins me murmurer les senteurs printanières.

Elle est venue et me regarde de ses yeux vides mais présents. Elle n'a pas besoin de me voir pour me montrer son amour.

Elle est là et je la vois telle qu’elle est…

samedi 25 août 2018

Déchirures

Elle s’appelait Anaïs. Dans ses yeux, on pouvait lire de la colère et parfois de la mélancolie. Elle avait décidé de couper ses cheveux trop longs. Je dois avouer que cela lui donnait un petit air de princesse des temps modernes.


J’aimais beaucoup la faire sourire et parfois rire. J'aimais discuter par messages de tout et de rien. Elle était toujours prête. Sa bonne humeur me rendait joyeux. Elle avait à cœur de m’aider quand je n'allais pas bien.


Elle va me manquer. Elle me manque déjà. Elle me manque tout court.


Elle danse dans ma tête, tel un cerf-volant dans un ciel bleu. Elle jouait avec le vent et criait comme les mouettes. Ses yeux me rappelaient que je ne pourrais vivre sans elle. Tout me rappelait à ses éclats de rire. Sans attaches, libre comme l'air. J’aurais voulu l’emmener par-delà les montagnes, lui montrer la terre verte et les arbres écorchés. La vie en dehors de la capitale lui aurait certainement plue. Je m'amusais à regarder les veines de ses mains sillonner ses bras comme les lézardes sur les murs. Son bronzage léger faisait ressortir ses lèvres douces et pulpeuses. Elle aimait beaucoup se prendre en photo. Et faire partager son œuvre. Je pensais qu'un jour je la percerais à cœur ouvert mais le temps ne m'a pas laissé la certitude de le faire.


Tu me manques Anaïs. Chaque jour un peu plus.


Elle se rapproche des étoiles en tournant autour de mon dessein. Ses yeux pleins de gentillesse me perturbe dans mon objectif d'atteindre le centre de cette singularité. Tu es mon trou noir, tu seras ma perte et ma victoire. Si je pouvais graviter autour de mon soleil sans me brûler au point d’être un aveugle, les yeux ouverts mais le cerveau embrumé par la déchéance. J'ai peur d’avancer et de ne plus dormir sans ne plus te toucher dans mes délires mordants. Je ne sens plus le train de ma vie rouler sans à-coups et le rail m’éloigne de ma gare natale. Que ferais-tu Anaïs ?


J'aimais lui raconter des histoires, lui dire que la vérité ne se cherchait pas ailleurs mais dans ses yeux. Lui montrer que l'on peut être heureux sans être millionnaire mais pas sans amis. Sa vie était faite de petits riens et de grands rires. J’aurais aimé lui dire qu'elle me plaisait telle qu’elle était. Je n'en ai pas eu le temps. Par contre, j'ai pu la voir encore. Je la vois toujours.


Tu me manques Anaïs.


Jamais je n’oublierai le son de ton rire. Si chaud, si envoûtant… Tellement en adéquation avec la personne que tu étais. Que tu es. Tu me manques tellement. J'en ai presque les larmes aux yeux. J’aurais tant voulu te découvrir, déshabiller ton âme et abaisser les remparts que tu as construits quand t'es retrouvée aussi nue qu’une enfant née. Dégriffer les amertumes de silence et désargenter les couleurs de tes joues où perlaient de temps à autre des diamants bruts. Si la pudeur est un naufrage la tendresse est ton île de beauté. Tu me laisses dériver, le cœur en lambeaux, déchiré par les vagues de solitude qui me mènent inexorablement vers l'infini tapis de douceur dont sera recouvert mon cercueil. J’aurais voulu t'emporter loin de ces mirages boréales.


Tu me manques Anaïs.


Jamais je n’aurais imaginé que tu ne serais plus là. Je pensais que tu pouvais résister à tout, que tu étais la force tranquille, sans limites. Et pourtant, quand on regardait tes yeux on pouvait y voir un manque d’éclat. Un reflet lointain de la fragilité dessiner une ombre presque irréelle. J’adorais t’embrasser dans le cou, glisser mon souffle sur ta peau. Sentir tes mèches pointues chatouiller mon visage. Entendre ton cœur battre plus rapidement et tes mains jouer avec mes cheveux.


Si ce moment avait pu durer l’éternité.


Tu me manques Anaïs.


J’écoute Saez en boucle et je fume trop. J’aime te revoir dans mes pensées éphémères. L'air trouble me rappelle à tes paroles douces et sensuelles. Ta voix si fragile m'enivre au point de me réveiller dans mes rêves. Je me perds dans les méandres de tes caresses sauvages. Tu dors dans les limbes de tes courbes charnelles, immobile aux sons délicats de mon imagination. J’aimerais pouvoir te ramener mais tu échappes à mes intentions solitaires.


Tu me manques Anaïs.


Je me rappelle son souffle léger et calme lorsqu'elle dormait, la tête perdue dans les abîmes noirs de ses sommeils. J’ai cru apercevoir à la commissure de ses yeux des perles salées, sans doute une tristesse enfouie et réanimée semblables aux embruns qui fracassent les bateaux trop faibles pour leurs résister. En glissant ma main sur son sein je sentais sa peau satinée se tendre sous l’effet du frisson. Ce que je voulais c’était atteindre son cœur et l'entendre dormir lui aussi.

J’aimais la regarder. Quelque fois elle s'en apercevait et d’autres non. Quand j'ai froid, je me rappelle sa voix douce. Elle me sert d’oreiller et je m'endors auprès d’elle. Tu inondes de tes mots mon esprit recroquevillé dans la froideur amoureuse. Ton vocabulaire lumineux exerce une attraction solaire sur la couleur délavée qui me laisse usé et terne. J’ai peur de ne pas pouvoir être sans toi. Je
ne peux rester immobile à te rappeler sans cesse de me redonner le sourire et l'envie de ne plus te voir.


Tu me manques Anaïs.


Je suis ici et là-bas. J’attends que tu m'appelles. Dis-moi quand je pourrai te voir avec tes yeux. Dis-moi ce que je peux faire pour être et ne plus être sans toi. J’ai peur d’avancer, de rester, de ne plus être. Je ne peux pas ne plus te voir. Tu n'es plus mais tu restes en moi. Ton image est imprimée sur ma rétine et l’humeur qui en découle ne me remplit pas d’espoir. Je sens que le noir s’installe et que le blanc disparaît doucement. Je sombre, au plus profond de mon ennui, vers l’infinie sagesse de non-retour. Ne te moques pas. J'ai peur de vivre. Sans toi. Anaïs.

Mes doigts s'engourdissent et mes bras se transforment en ouate. Mon souffle ralentit et ma gorge s'assèche. Mes paupières se ferment mais mes yeux s'ouvrent. Je te vois. Enfin. Tu es là. Me souriant. Enfin.

J’attendais ce moment depuis si longtemps. Cette plage est magnifique. Le ciel bleu sans nuages et le soleil brûlant…


Tu me manquais Anaïs.


Bon, tu viens ou tu passes la nuit ici ?
Me hurle ma femme…
Dépêche-toi, on va louper le début du film…
Pff, plus moyen d’être tranquille nulle part. Même dans ses rêves.


Mais qui es-tu Anaïs ?

Apesanteur

J’ai vu dans ses yeux que je n’étais pas le premier. Par contre j’ai senti sur ses lèvres que je serais le dernier.

Sa langue endiablée dansait autour de la mienne telle une hirondelle chante le printemps. Sa peau douce sentait la lavande et le pin. Je sentais ses seins fermes écraser ma poitrine haletante.

Plus le temps passait plus je sombrais dans un rêve aérien. Les reflets du soleil dans ses cheveux ressemblaient à des éclats d'or laissant s’éparpiller des poussières d'ange. Le flottement du ciel engourdi faisait grimacer les nuages lourds et mécontents. L'air se sentait plume et l’ombre du vent portait mon cœur jusqu'en haut des abîmes théâtrales. Le voile du rivage offrait une vue jusqu’à l’horizon de lueurs glaciaires.

Je l'ai entendue frissonner et s’étendre dans l'averse chaloupée et emporter nos frêles esquifs sentimentaux. J'ai attendu qu'elle soit au milieu de l’océan affectif pour embarquer vers une amertume plus contenue. Nous nous sommes agrippé à un morceau d'amour qui nous entraîna vers une chute tumultueuse et jonchée de débris. Des instants de détresse, de doutes, d'inconnus nous encerclaient mais poussé par l’envie d'avancer nous les avons balayé d'une larme passive.

L'exode animal nous caressait de son regard serein et bienveillant. Notre lutte a fondu et le ressac larmoyant a défait nos corps enlacés. Nous avons vaincu les chemins tortueux et fugaces de notre désir d’être ensemble.

Pour toujours, je suis lié à celle qui m'offre une vue imprenable sur l'eau de son cœur. Le temps de notre liaison influe sur le comportement chatoyant de notre regard sur la rondeur de la terre…

Laisse ma barque avancer au gré du vent soufflant. Écoute son sein danser comme une baleine dans son élément. Respire le parfum de ses lèvres exquises rouge cerise. Décide de la trajectoire à suivre pour croiser les larmes du soleil et gravir les marches de la vie…

Aurore

J’aimais te regarder dormir. Un souffle de vent caresser tes cheveux. Entendre ton cœur battre encore et encore. Voir ta poitrine se soulever et faire danser tes vêtements.

Tu m'as dit un jour de ne pas avoir peur. De grandir sans me soucier du destin des autres mais plus du mien. Gravir sans m’arrêter les marches de la vie. Regarder de temps à autre les arbres fleurir et se faner. Rire des belles choses et ne pas regretter de ne pas avoir eu mais jamais de ne pas avoir été. Avoir su montrer mes larmes et ne pas les retenir malgré la douleur.

J’entendais tes paroles si vraies me dire ce que je ne voulais pas voir. J’attendais que le soir tombe et j’allais me promener sur les plages de notre départ. Celles qui nous avaient vus naître ensemble. Celles qui ont fait de nous ce que nous sommes. Celles qui ont assisté à ce que nous étions et ne serons plus. Ensemble.

J'ai longtemps parcouru les chemins imaginaires qui me menaient à de sombres horizons et de lumières crues. Vides de cet essentiel qui nous maintenaient vivants. Aujourd'hui je ne suis qu'un point parmi tant d’autres dans cet univers triste et morbide. Je suis en vie mais mort à l’intérieur. J'erre sans buts, dans les méandres froids et sans âmes de mon imagination. Je suis sans idées une route épurée de goûts. Sans envie ni raison je me traîne dans l'espoir de trouver l’étincelle qui me ramènera vers des eaux plus sauvages. Je n’ai plus faim d'espaces ni de soleil mais bien de solitude acharnée pour rester à tes côtés.

La mer, lisse et soyeuse, se montre compréhensive à mon égard. Elle se fait vague et fourmille de caresses embrumées. Le soleil se fond dans son antre et me regarde me liquéfier tandis que je me noie dans les hurlements du vent. J'ai du mal à respirer et mes yeux s'imbibent de cette odeur charnelle si docile. Je marche à contre-courant comme si je pouvais retenir le temps entre mes doigts. Mais au lieu de s’accrocher il file et le sable pleure de ne pas être de pierre.

J'ai cru pouvoir te rejoindre mais tu étais le mirage qui me trainait dans le désert de mon amour propre. Jamais je n’aurais pensé que tu ne serais plus avant moi. Avant nous.

Après moi, il n'y aura que poussière et amertume. Illusions et infantiles dégoûts. Désillusions et mortelle escapade. Sagesse et cruelle sentinelle. Envie et amour perdu.

Je te regarde dormir et je ne peux m’empêcher de me demander quand nous serons ensemble. Un jour, l’espace d'un instant, ou une nuit l’espace d’une courte vie.

Je te regardais dormir et je me voyais sombrer lentement dans ce tapis doux qui me rappelait l'herbe sauvage des forêts animales. Cette senteur si particulière que j’ai pu croiser alors que je t'attendais en silence.

La nature m'annonçait ton arrivée proche et pourtant encore lointaine. J’aurais aimé grandir plus vite mais le temps ne se pressait pas. Tandis que le mien l’était. Un jour tu serais là.


Mais quand ?


Et tu m'es apparue, alors que je nageais entre deux eaux, le courant m'a fait palpiter plus loin que les abysses sentimentaux n'auraient joué avec les thermes souterrains. Un choc frontal nous a fait perdre le sens de la rosée matinale. J'ai vu sur tes joues une fleur de perle glisser le long des parois lisses et vierges d'émotions brutes. Tu as ouvert tes lèvres et j'ai glissé mon regard dans les entrailles de ta bouche humide. Tu m'as dit d'une voix douce que j'étais là et que tu me cherchais. Je t'ai répondu que je savais et que je t'attendais.


Maintenant c'est toi qui m'attends. Depuis que tu dors, je n'ai cessé de repenser à notre histoire qui ne se terminera jamais. Parce qu'un jour nous serons ensemble, encore et toujours.


 À bientôt...





Balafre

Tu es là, depuis toujours ou presque, à mes côtés. Je te sens, pénétrante et insidieuse, faire rougir ma peau. J'aimerais que tu me laisses décider parfois du sort qui m'est jeté. Pourtant tu ne cesses d'entraver mes efforts et de recourir sournoisement à une fin moins tragique. Ton emprise sur mes doutes marque son empreinte d'une lutte acharnée et vorace. Tu ne me laisses pas d’autres choix que de faire couler le sang. Il se glisse dans les recoins sombres et obscurs de mes sentiments les plus noirs. J'ai hâte de guérir et de m'atteler à une tâche plus lumineuse. Je suis marqué à vie par tes desseins qui me rappellent le temps où je te sentais au plus près de mon cœur. Tu me faisais crier jusqu’à m'en perdre les ongles de douleur. Te sentir m'envahir et repousser mes chairs faibles et agonisantes me donnait envie de ne plus respirer. Mais te savoir avec moi dans les plus petits combats me réjouissait d’avoir quelque chose à partager. Regarder cette lame s’offrir mon visage en me trouant la peau avec autant de facilité m'a redonné espoir. Je survis à mon cauchemar et me remets doucement. Je pourrai à nouveau me montrer sous un nouveau jour. Tu fais à présent partie de moi. De cet être grandissant laissant derrière lui une partie de son enfance. Violée et volée par une arme tranchante et affûtée aux caresses capricieuses et tenaces.


Désormais tu resteras à jamais gravée en moi, ma cicatrice.

Améthyste

J’ai senti une main sur ma bouche et reconnu tes doigts. Ton odeur me manquait et je pensais que tu ne reviendrais pas. Cette senteur de lavande et de pins grésillait au fond des arbres fruitiers et m'amenait leurs parfums. Ton sourire était là, immobile, me fixant dans la douce lumière automnale. J'adorais voir cette lueur au fond de tes yeux clairs. Un mélange d’améthyste et doré me fascinait toujours. Tu me regardais en fronçant légèrement les sourcils.

J’avais eu si souvent envie de te voir que j'en rêve encore.

J’aimais entendre ta voix résonner dans le silence de notre simplicité. Tu n'aimais pas les grandes démonstrations et préférais de loin celle de notre imagination à oublier le temps. Les espaces grandioses offraient à nos cœurs une liberté soudaines de voyager en toute sérénité. À l'abri des regards indiscrets sur notre relation si soudaine. J’enviais la nature à être notre complice de jeux.

Je t'aimais autant qu'on puisse le faire en étant libre et sans secrets.

J’ai voulu te faire plaisir en essayant de me rapprocher de moi. Mais tu n'as pas compris mon dessein et tu m'as abandonné, seul, face à moi-même. Je t’ai perdue, et je ne cesse de vouloir te retrouver mais tu n'es plus là. Tu as déserté les plaines de notre rêve pour te réfugier dans un espace sans barrières. Tu me laisses, inutile, à chercher sans jamais trouver une réponse à ma question.

J’ai peur sans toi. Je ne suis plus celui que tu aurais voulu. J'ai changé et les reflets de ton visage ne sont plus que des traces indélébiles d’où s’écoule une rage de t'avoir perdue. J'ai cassé ce qui nous unissait et faisait notre force. Un jour, je te retrouverai mais tu ne me reconnaîtras pas et nous nous croiserons sans délices. Tu continueras ta route vers l’infini et moi, j’irai où mon destin l’aura choisi.

Mais, juste avant, je te dirai que je regrette de t'avoir trahie…


Ma liberté….

Vert d'eau

Mon cœur saigne et mes yeux se noient. Je suis triste de perdre ce qui me faisait sourire chaque matin.

Au réveil je sentais déjà son regard s’abattre sur ma bouche sèche et pâteuse. L’océan de caresses s'emparait de mon corps et laissait son empreinte cachée sous les draps. Une pluie de baisers dévastait mes lèvres et les laissait affamées de picotements. Souvent je me perdais dans le vert de ses yeux. Je sentais ses mains douces et agiles glisser sur mon corps. La chaleur de ses seins me transperçait la peau. Épuisé par tant d’efforts pour rester éveillé je m'abandonnais dans cette prison de plumes. Souvent elle finissait par gémir et son souffle régulier me parvenait depuis l'autre monde. Je flottais entre deux nuages, sombrant doucement dans une chevauchée sauvage et haletante. Des bruits de sabots et des cris étouffés me faisaient frissonner. Mon cœur s'emballait et la pression artérielle de nos sangs bouillonnants nous faisait hurler à l’unisson.

Je la sentais s’allonger sur moi et me serrer dans ses bras doux. Je caressais son dos en lui murmurant des paroles d’amour. Elle s’abandonnait avant de sombrer dans des abysses tumultueuses et cycloniques. Nous reprenions nos souffles et nous nous rendormions après l'orage imaginaire.

Ce jour-là ce fut le dernier et la tempête s'est abattue sur mon oreiller. Je me suis retrouvé seul en mer comme un naufragé guettant une île pour reprendre son souffle. Les vagues bourdonnaient et le désordre affectif a sonné la fin du voyage. L’amertume grisonnante et le chagrin ont rendu cette plage de délivrance inapte à m'accueillir seul et décharné. Un soleil éblouissant me brûlait les yeux et rendait aveugle ma poursuite vers une route plus solitaire. J'ai mis des années avant de m’apercevoir que je n'avançais pas. J’étais immobile au même endroit à fixer l’horizon espérant une lueur verte. Et pourtant le son d'une sirène faisait écho mais ce n’était pas sa voix. C’était celle du bateau sensé me ramener vers le monde des tremblements.

J’ai assisté à sa crémation. Je l'ai dispersée aux vents pour qu'elle puisse me retrouver sur cette île. Nous serons perdus, tels des Robinson, à consommer notre faim et notre soif de l'autre.


Et si nous entendons une sirène nous saurons qu'elle n’est pas celle que vous croyez. Elle sonnera le glas de notre éternité. De notre éternel amour d’être enfin réunis.


D'être ensemble….

Manège

J'entends encore son rire me transpercer les oreilles. Elle ne pouvait s’empêcher de faire des grimaces. Je la revois, assise sur ce cheval gris, les cheveux au vent. Elle me faisait signe de la rejoindre mais je préférais rester sur ce banc. Ce manège était sa friandise adorée. Elle se prenait pour une cavalière émérite, lâchant sans peur les rênes de ce cheval de bois. Et lorsque le tour était fini elle sautait de son brave destrier, lui faisait un câlin et un bisou pour le remercier et s'élançait dans mes bras. Elle m'attrapait le cou et m'embrassait comme une furie. Je la regardais en souriant et lui demandais de me laisser respirer.


Et puis, nous allions manger une glace et terminions la journée au parc. Elle s’endormait souvent dans mes bras. Je sentais son souffle sur ma peau et fermais les yeux pour m'imprégner de cette douceur journalière. Nous étions heureux.


Un jour sur ce banc, une balle perdue a dévasté mon cœur et brisé son front. Je la regardais dormir de ce sommeil duquel on ne se réveille pas. J'ai senti des larmes couler sur mes joues sèches. Je ne pouvais détacher mon regard de son visage en apparence si calme et pourtant déjà mort. J'ai caressé ses cheveux comme on caresse l'espoir de ramener la vie. Je n'entendrai plus sa belle voix me dire que je lui manque alors que cinq mètres nous séparent. L’éternité sera notre fossé mais elle ne s'en plaindra pas.


Ce jour-là notre monde s'est effondré emportant avec lui ses rêves d'enfants. J'ai cru que l'enfer m’ouvrait en deux et qu'une rivière de sang s'abattait sur notre terre. Plus qu’une morsure ce fût une déchirure. Une étreinte glacée m'a emporté au cimetière, des lambeaux de nuages accrochés aux mirages tombants des lampions squelettiques. L’ambiance morbide régnante sur ce morceau de terrain abandonné des vivants m'a prise à la gorge. Et l'odeur macabre et fétide des pierres tombales m'a rempli la bouche comme des vers s'engouffrent dans un cadavre. Je respirais les parfums solitaires des fleurs fanées qui ornaient les allées mornes et à l'agonie.


J'ai longtemps fixé sa tombe. D'un œil vide et déserté. Je suis tombé à genoux, incapable de me relever. La poussière m’empêchait de respirer. J'étouffais, je suffoquais. Elle ne sera plus qu’un cauchemar parmi mes rêves de grandeur. Elle ne sera plus mais elle sera toujours là dans ma tête.


J'erre sans idées dans ce désert affectif. Elle me manque. J’entends encore son rire, ouvrant mes blessures et libérant mes larmes. Je revois ses yeux lézardant mes joues et saigne mon coeur. Je la vois courir vers moi, ses bras tendus et ouverts, en réponse aux miens.


Tu me manques, jamais tu ne disparaîtras de mon horizon. Tout comme Omaha beach pour des milliers de soldats, tu seras ma plage, mon tombeau. Un jour, nous nous reverrons, mais pas encore…


Au revoir, mon enfant, ma fille,…